Les juives
6.1
Les juives

livre de Robert Garnier (1583)

A connaître ? Oui. A lire ? Mouais...

Les Juives, c'est une pièce de théâtre du XVIe, dénonçant les guerres de religion par le biais d'un sujet biblique. Le procédé est très intéressant et rappelle Les Tragiques d'Agrippa D'Aubigné... Mais avec les mêmes reproches possibles : lenteur, répétition, emphase lyrique, complaisance dans l'horreur et les lamentations. C'est donc sympa un peu, mais ça devient très vite fatigant.
Il n'y a de plus aucun suspense : le dénouement est prévu d'avance. Il y a des relents mythiques, ça se sent, des raffinements de cruauté de la part du roi despote au nom imprononçable, mais cela n'empêche pas la pièce de tourner en rond. Les interventions du choeur sont plutôt bien tournées, le plus insupportable restant les discours des juives et d'Amital, mère du roi traître.

Par contre, ce qui en fait à mon sens un des intérêts pour nous autres contemporains, c'est le fait que l'orthographe et la grammaire ne soient pas modernisées : c'est assez enrichissant à lire si on veut découvrir l'évolution de la langue.
Et bien sûr, le réel intérêt de la pièce à mon sens se situe dans la réflexion sur la clémence ou la tyrannie du souverain ; sur la culpabilité, sur l'ampleur que doit prendre une punition, sur le pouvoir et la faute de manière générale. Et cela est servi par la reprise du thème biblique, assez obscur au début mais riche de sens si l'on pousse un peu. Les alexandrins sont jolis, les sentiments exacerbés, le tout violent et tragique : car c'est une tragédie dans le plus pur respect de la tradition.

Je ne vous détaillerai pas l'argument de la pièce, parce que je n'ai pas retenu les noms des rois, mais une fois passée la barrière du flou du sujet, on s'y retrouve assez facilement. Pourtant, je ne conseille à personne de la lire car c'est un coup à dégoûter de la tragédie. Mais je lui attribue cinq points tout de même, car malgré la répétition assommante des gémissements qui enveniment l'oeuvre, elle est objectivement très belle je crois, et reste un des rares écrits théâtraux datant du XVIe qu'on puisse trouver aujourd'hui. Un assez précieux témoignage, donc, du siècle d'une sanglante guerre civile entre catholiques et protestants.
Eggdoll

Écrit par

Critique lue 522 fois

3

Du même critique

L'Insoutenable Légèreté de l'être
Eggdoll
10

Apologie de Kundera

On a reproché ici même à Kundera de se complaire dans la méta-textualité, de débiter des truismes à la pelle, de faire de la philosophie de comptoir, de ne pas savoir se situer entre littérature et...

le 11 mars 2013

156 j'aime

10

Salò ou les 120 journées de Sodome
Eggdoll
8

Au-delà de la dénonciation : un film à prendre pour ce qu'il est.

Les critiques que j'ai pu lire de Salo présentent surtout le film comme une dénonciation du fascisme, une transposition de Sade brillante, dans un contexte inattendu. Evidemment il y a de ça. Mais ce...

le 6 mai 2012

71 j'aime

7

Les Jeunes Filles
Eggdoll
9

Un livre haïssable

Et je m'étonne que cela ait été si peu souligné. Haïssable, détestable, affreux. Allons, c'est facile à voir. C'est flagrant. Ça m'a crevé les yeux et le cœur. Montherlant est un (pardonnez-moi le...

le 22 mars 2017

50 j'aime

5