Les lames du cardinal, un titre intéressant qui porte naturellement notre imaginaire vers l'univers des Trois mousquetaires. Ce titre en effet nous en dit déjà beaucoup sur la perspective suivie par l'auteur, alors que les romans d'Alexandre Dumas nous plaçait du côté des mousquetaires du roi, opposés aux lames d'un cardinal, incarnation de la fourberie et d'un manque flagrant de valeurs humaines, pourtant Pierre Pevel nous place ici du côté de ses lames.
L'objectif évident, complexifier l'intrigue politique, mais aussi la psychologie et la morale des héros, présenter donc le monde complexe de la politique. La présence de la fantasy, en introduisant la race des dragons, permet de laisser planer ici une perpétuelle menace, inquiétante, un danger plus important. Grande qualité de ce premier tome, il intègre naturellement cette part surnaturelle à cette époque qui hante un imaginaire collectif bien établi. Allergie mise à part avec des éléments de ce type, on oublie très rapidement leur aspect irréaliste pour plonger dans celui très crédible de l'auteur. Cette présence trouve donc naturellement sa place dans le récit, mais défaut de ce premier tome, c'est qu'aussi naturelle soit cette présence, j'aurais appréciée qu'elle soit davantage qu'introductive, qui sont-ils vraiment, mais surtout que veulent-ils dans le fond. Pourquoi cette ambition, mais surtout comment en sont-ils arrivés là ? Pourquoi inquiètent-ils tant ?
Malgré la magie, ils ne semblent pour l'instant qu'être de simples politiciens opportunistes à la recherche du pouvoir. Représentant d'un ennemi politique dont l'ambition serait de régner sur l'Europe, cet aspect ne semble pour l'instant pas justifier suffisamment d'introduire cet élément de fantasy. Le nom seul aurait suffit à introduire le symbole.
Une menace se fait sentir donc, pourtant l'on perçoit mal en quoi elle pourrait nuire en réalité. Un simple nouveau dirigeant ? Et pourquoi pas après tout.... Les hommes de pouvoir ont toujours remplacé les hommes de pouvoir.
L'intrigue elle-même est moins complexe, moins sombre que l'on pourrait l'imaginer. Malgré tout, l'univers lui se fait sentir machiavélique de façon assez appréciable. Le personnage du cardinal est intéressant. S'il apparaît à priori comme un homme qui sert les intérêts de son pays, l'histoire suit bien celle des personnes à son service, il n'en est pas moins complexe dans le sens où tout en servants son pays, par tous les moyens à sa disposition, il ne semble jamais éprouver de scrupules à les utiliser. La raison d'état doit primer et il l'a fait primer. Point de simagrées et de héros torturés ici, c'est un point que j'ai apprécié. De la même manière, pendant une bonne partie du livre, l’allégeance des personnages n'est point évidente, il m'est apparu d'abord plaisant de toujours m'intéresser à ces personnages en essayant de deviner à quel camp ils appartiennent finalement. Rebondissement, présence de plusieurs traîtres, tout cela intrigue. J'ai regretté cependant qu'une fois les masques dévoilés, si tous ces personnages semblent avant tout pragmatiques, leur psychologie ne semble pas si complexe. Une fois cernés, ces personnages semblent très évidents. Ils perdent donc un peu en intérêt au fil de l'intrigue selon moi, malgré leur brillante introduction.
Brillante car les scènes qui les introduisent sont toujours intenses, et tous ces personnages sont plein de panache. Charismatiques, tous sont hors du commun, tous forcent l'admiration. Des personnages admirables, cela a toujours été mon péché mignon. Malheureusement à force de vouloir les introduire séparément, j'ai parfois peiné à m'y retrouver une partie du livre, une accumulation trop importante de personnages. Trop importante pour approfondir chaque personnage, et des introductions trop éclatées pour approfondir les relations qui lient cet escadron d'élite entre eux. En conclusion, des personnages qui ne sont qu'introduits, certes avec panache, mais dont les liens semblent trop étrangers à mes yeux pour que le groupe forme une entité admirable, intéressante en soi. Si c'est un défaut bien connu d'Alexandre Dumas, préoccupé par l'accumulation d'intrigue, j'aurai attendu davantage d'un groupe d'élites, soldats, espions, assassins s'ils le faut, préoccupés par le service de la patrie. Leur motivation manque.
Les personnages n'évoluent pas dans ce premier tome, notamment car l'intrigue elle-même manque d'ampleur, d'enjeux, du moins d'enjeux qui se fassent ressentir. S'il n'y avait pas de suite, la frustration serait probablement grande de voir l'écrivain introduire ainsi un univers et des personnages si sympathiques et charismatiques. J'attends donc de voir l'écrivain faire ses preuves grâce à une intrigue plus passionnante dans les tomes suivants, et me convaincre définitivement de le voir comme une étoile parmi la constellation assez restreinte des très bons auteurs français du genre. Des auteurs qui m'ennuient parfois, mais dont j'apprécie particulièrement l'art avec lequel ils manient souvent la plume, qui retranscrit naturellement l'amour qu'ils portent à la langue français, une affection que l'on ressent dans cet ouvrage. C'est aussi l'affection pour les romans d’Alexandre Dumas que l'on ressent notamment à travers quelques clins d’œils, comme l'apparition des mousquetaires ou de héros bien connus, mais aussi à travers l'introduction d'un personnage par une scène de duel, qui transpire la gasconne et rappelle indirectement la fameuse introduction des mousquetaires de Dumas, bien que l'auteur ici ajoute une certaine complexité aux personnages, qui ne sont plus de simples grandes gueules emplis d'honneur et de fierté.
Ce tome-ci est-il donc un bon premier tome ? A l'évidence oui, car il joue le rôle que doit jouer un premier tome, celui d'introduire des personnages, un univers, de nous les rendre intrigants et attachants. Mais il ne montre pour l'instant que les qualités d'un premier tome, le haut potentiel qu'il se crée, demande donc encore à être concrétisé dans des prochains tomes dont la structure devra différer.