Ouvrage ni vraiment cyber ni punk, "Les mailles du Reseau" suit Laura Webster, une jeune maman qui travaille au sein de Rizome, une multinationale coopérative à la Google qui veut limiter l'action des pirates informatiques et renforcer l'emprise du Reseau (internet). Alors qu'ils accueillent dans leur Loge une convention de hackers en pourparlers avec Rizome, un des invités, Winston Stubbs, se fait tuer par un drone. Laura va aller enquêter avec son mari David à Grenade, puis seule à Singapour, puis dans un mystérieux sous-marin et enfin dans le Sahel, rencontrant toute une galerie de personnages. Sa vie est brisée.
Loin de la violence d'un Gibson, Sterling bâtit ici une intrigue géopolitique très resserrée, avec un grand nombre de groupements dont l'action n'est pas toujours claire. L'ouvrage est prenant, car bien pensé. Laura n'est pas une héroïne, mais une jeune texane lambda qui réagit comme nous le ferions, sauf qu'elle croit en Rizome avec la foi du charbonnier.
Il y a bien un peu de technologie futuriste : ces lunettes-oreillettes qui enregistrent l'image et le son (mais rien à voir avec la simstim), des poubelles sur chenille et des éclairages à commande vocale, des épées en céramique tranche-tout, des outils de manipulation d'image, des patchs de drogue (comme chez Gibson, mais ici on dirait plutôt des gomettes), des drones, une lotion qui rend noir, de la prom (protéine de synthèse), un arsenal anti-émeute. Cela dit, ces éléments sont intégrés à la vie des personnages comme des choses acceptées, et en cela Sterling est redoutable. Le monde de 2022 ressemblera à peu de choses près à ce qu'il a prévu. Dire qu'il écrivait un an avant la chute du mur et prévoyait déjà l'évolution d'un monde où le leadership des Etats-Unis partirait en sucette, avec mouvements altermondialistes allumés... Brillant.
Quels sont les thèmes abordés ? Principalement la mondialisation et les médias. La dernière scène, où toute une ville crie de joie le nez collé à un écran d'info, rappelle à quoi ressemblent désormais nos soirées pendant les matchs de coupe. Le personnage de Johnathan Gresham, journaliste freelance proche des touaregs, est particulièrement touchant. Il nous prouve qu'il est impossible d'échapper au réseau, même en le rejetant. Sterling ne se contente pas de décrire la mondialisation qu'il pressent, il essaie d'en prévoir les conséquences sur nos habitudes, nos manières de penser, et l'absence de solution de rechange autre que violente.
Ce livre est un écheveau complexe, ce qui est normal : il reflète parfaitement le monde en roue libre qui est désormais le nôtre.