"Le théâtre ne doit pas être un art en trompe-l'oeil" (Ca fait sérieux ? Pas la suite...)
Cette phrase pourrait tout résumer ; mais elle ne rendrait pas justice à la bouffonnerie, à l'absurde (pas au sens du courant littéraire, hein), au surréalisme de la pièce d'Apollinaire. Pièce complètement oubliée (j'ai même dû créer la fiche de l'oeuvre, c'est dingue, Apollinaire est pourtant éminent...), dont l'appellation même de "pièce" semble d'ailleurs presque inconvenante...
Parce que Les Mamelles de Tirésias, ça ne veut rien dire. Ca ne rime à rien. Ca parle d'une femme, vivant à Zanzibard, qui se change en homme, de son mari qui se change en femme et qui fait en une journée 40 049 enfants, de gens qui se tuent et ressuscitent, qui chantent, qui portent des robes à motifs de singe, qui portent des écriteaux avec des phrases sans queue ni tête... C'est aussi des répliques cultes type "J'en ai assez d'être mort".
C'est aussi poétique. Un poème comique, en somme, car le tout est rimé, et la façon dont Apollinaire se sert de la rime ne sert qu'à renforcer ledit comique. C'est donc très amusant. Bien joué, ça doit être magistral - et aussi pire que dénué de sens.
Mais c'est voulu. Apollinaire fait du surréalisme (et pour le coup c'est réussi), fait un coup de génie tant le tout est... fou ? Il suffit de lire le prologue, seul à signifier quelque chose, puisqu'il incarne les ambitions d'Apollinaire. Un théâtre nouveau, qui ne passera pas à la postérité peut-être mais qui fait bouger les choses, qui donne une claque magistrale à l'exigence de l'illusion du vrai. De plus cette pièce n'apprend rien : elle est là pour désapprendre.
Et puis c'est court. C'est un OVNI, c'est vraiment quelque chose d'inédit, qui gagnerait à mon sens à être redécouvert, et qui fait passer un moment de... de... hum, un moment particulier.