Critique de Shaynning

Incontournable Avril 2023

Petite pépite d'imagination pétillante et de fraternité solidaire, "Les manèges de Mila" est quelque part entre rêves d'enfant et nature nocturne, pleine de lumière et de vie, où tout peut devenir un jeu. Si c'était un aliment, ce livre serait un crème soda à la cerise!

Liam et sa petite soeur Mila devaient aller au parc d'attraction avec leurs parents cet été, mais une tempête à tout ravager. Il faut donc rebâtir et faire le ménage, le temps n'est plus aux sorties. Devant la déception de Mila, Liam décide de partir avec elle en forêt pour atteindre le fameux parc. Était-ce une sortie en forêt réelle ou une "sortie en forêt" imaginée? Peut-être les deux?

Déjà, je suis tellement contente de voir enfin un personnage masculin avec un "poupon en chiffons" qui lui fait office de poupée. Les jouets de ce genre ne sont pas des jouets de filles, ce sont des jouets, point. Armé de l'imperméable vert de son père, bien trop grand pour lui, il part en quête d'une aventure susceptible de divertir sa petite soeur.

Une idée intéressante, ma foi, que celle proposée ici. On oublie, avec les écrans et les jouets hight-tech que la moindre goutte d'imagination suffit à rendre n'importe quel endroit ou objet un sens de jeu. Mila avait besoin d'évasion, ce n'est pas tant qu'elle avait besoin du parc, au final. Dans leur aventure, elle en sort même déçue: Ah, c'est juste des manèges? Il faut dire qu'après les merveilles vues dans la forêt, et combiné à l'état d'arrêt du parc en raison de la nuit, ce dernier semble en effet bien banal.

Aussi, j'aime cette approche où la nature est sublimée par l'imagination, parce qu'elle est déjà remarquable. Des toiles d'araignées aux lucioles, en passant par les éléments et les animaux, tout prend alors une forme différente. le vent veut jouer avec le lac, la toile d'araignée devient la barbe-à-papa des fées.

Il y a une dimension que l'adulte en moi voit aussi: Même en période de perturbation, laissons nos enfants être enfants. Laissons leur une part pour imaginer et créer, sortir du contexte parfois plus difficile à gérer pour eux, moins habile gestionnaires de leurs émotions et occupés à grandir. Il faut dire que l'évasion imaginaire n'est pas non plus inconnue aux adultes.

Enfin, j'aime toujours les histoires où des aînés sont complices avec leurs cadets. La fratrie peut être une merveilleuse source de support face à l'adversité et peuvent être des complices de jeu formidables. Ce n'est pas toujours simple, comme c'est le cas pour toutes les relations interpersonnelles, mais il est bon de voir aussi les bons côtés d'une fratrie solidaire et complice.

Le roman a des inclinaisons poétiques et oniriques, en plus d'être illustré très joliment. J'apprécie le fait que dans une histoire nocturne, il y ait autant de couleurs et très peu de noir. La nuit est aussi un temps très propice aux émerveillements et aux mystères, parce qu'elle a autant de vie que le jour et l'ombre peut laisser place à interprétation.

Il s'agit plus d'un roman d'aventure qu'autre chose. Moi qui parle d'ordinaire de diversité, de contre-stéréotypes, de pertinence et d'enjeux, je constate qu'ici, c'est plutôt un cas de récit où l'on se laisse bercer et on se remémore nos scénarios imaginés du temps de notre enfance. Mais pour l'enfant qui lira, j'imagine, ce sera plutôt l'occasion de lire une histoire pratiquement "magique", où nul effet spéciaux ou objets inspirés d'univers imaginaire ne vient s'immiscer et où deux enfants prennent en mains leur désir d'escapade.

Un beau petit livre pour la 3e année primaire en montant , 8-9 ans+. Je précise que ce genre de livre est aussi parfait pour les cas de lecteurs très habiles, les 6-7 ans du premier cycle.