Locke ne répondit rien, se contentant de regarder les grandes tours de verre tandis que le ciel derrière eux perdait toute couleur ; les étoiles dardèrent leur lueur bleutée et les derniers rayons du soleil disparurent à l'ouest comme un grand œil qui se ferme.
Comme les ténèbres semblaient sur le point de recouvrir la ville, une clarté nouvelle surgit, faible et vacillante ; elle émanait du Verre d'Antan même des Cinq Tours et du verre translucide du pont sur lequel ils se tenaient. C'était une aura, que chaque souffle amplifiait jusqu'à baigner la ville du demi-jour féerique d'un ciel couvert.
C'était l'heure du faux-jour.
Des hauteurs des Cinq Tours à la douceur d'obsidienne des vastes disques de verre et aux récifs artificiels sous les vagues ardoise, le faux-jour émanait à Camorr de chaque fragment de Verre d'Antan, ce matériau étrange oublié là par les créatures qui avaient conçu la ville, bien avant. Chaque nuit, comme l'ouest avalait enfin le soleil, les ponts de verre se faisaient lucioles. Les tours, les avenues et les étranges jardins sculptés lançaient leurs tristes chatoiements de violet, d'azur, d'orange et de blanc de perle ; les lunes et les étoiles s'évanouissaient dans la grisaille.
Traduction par Karim Chergui.