Je m'inquiète sincèrement de la santé de cette pauvre Adeline qui a dû s'évanouir au moins une vingtaine de fois (si seulement j'exagérais...) en l'espace de 500 pages. S'il s'agit pour Ann Radcliff du signe d'une existence vertueuse et pieuse, alors je crains pour mon âme préférer rester sur mes pieds, quitte à devoir rendre davantage de compte en arrivant devant Saint-Pierre.
Je savais à peu près à quoi m'attendre en choisissant ce livre, ayant déjà quelques notions relatives au genre gothique, avec son goût singulier pour décrire les femmes comme des choses fragiles et impressionnables, victimes jouet d'un destin qui s'entête visiblement à vouloir les éprouver aussi bien moralement que physiquement. Il y a tout de même des limites à mon bon vouloir et à ma patience.
Je le dis haut et fort, à la place d'Adeline, j'aurais lâché l'affaire et me serais mise en boule à attendre une fois pour toutes le bouquet final car rien ne lui est épargné à cette belle, douce et tendre Adeline : enlèvement improbables, tentatives de viol, poursuites rocambolesques, maladies interminables, trahisons à répétition... Le roman ne manque pas d'actions et de rebondissements, c'est le moins de le dire. Dans les faits, c'est ce que j'ai plutôt apprécié, même si c'est attendu et convenu. Sur ce point, c'est un classique du genre et c'est exactement ce à quoi on s'attend de ce type de lecture.
Malgré tout, celle-ci a été une véritable plaie et je dois avouer avoir ressenti une joie imprescriptible en refermant le livre une bonne fois pour toutes : le ton moralisateur de cette chère Ann m'a fait sortir de mes gonds. À titre de comparaison, celui-ci était mieux amené par Charlotte Brontë dans Villette où il s'avère pertinent pour servir l'analyse psychologique du personnage principal. Dans le cas des Mystères de la forêt, il s'agit d'une banale morale de conte dont on se passerait bien dans la mesure où elle ne fait que répéter ce que l'on se coltine depuis la première page. On a compris que les gentils seront récompensés et les méchants punis... même si cela implique de regarder piteusement vers le ciel avec une seule larme coulant en silence le long de notre joue pâle les trois quarts du temps de notre existence.
Je dois noter cependant avoir beaucoup aimé l'atmosphère du roman et la description des divers décors, là aussi convenus mais qui répondent à mon goût personnel pour les forêts inquiétantes, les ruines romantiques, les dédales pierreux abandonnés et les paysages montagneux des Alpes savoyardes.
Pour conclure, merci Ann pour m'avoir rappelé qu'il était temps que je change de registre littéraire ; la lecture des Mystères de la forêt ayant opéré un véritable trop-plein personnel du genre. Me voilà vaccinée de la littérature gothique pour un petit moment.