Ouvrage qui se veut un pavé dans la mare, un peu comme le Frère Tariq de Caroline Fourest en son temps, et qui comme lui donne à première vue une impression très documentée, mais aussi d'être écrit à charge.


La thèse principale est très vite énoncée, et elle est ensuite illustrée par le récit du tournant de l'ONU sous Kofi Annan. Cette thèse est la suivante : lorsque la Déclaration Universelle des droits de l'Homme a été rédigée en 1948, le texte a mentionné les droits de l'Homme, mais sans imposer comme horizon la démocratie. A la fin des années 1990, des Etats comme la Libye, l'Iran, le Pakistan, marqués par des régimes autoritaires et du fanatisme religieux, se sont efforcés de remettre en cause le présupposé universaliste des institutions de l'ONU au nom du rejet de la mainmise occidentale néocoloniale et surtout d'un droit au "multiculturalisme", qui permet de rendre acceptable l'obligation du voile au nom du respect des différentes traditions.


Malka Marcovic (abrégé M.M. ensuite) dénonce une abdication de la part des pays occidentaux, et il y a un fonds de vérité. Elle revient aussi sur ce moment traumatique qu'avait été la conférence de Durban de 2001, noyautée par des militants qui avaient fait passer des motions hostiles à l'Etat d'Israël. Elle montre comment le rêve de Kofi Annan, de créer un Haut Conseil des Droits de l'Homme avec davantage de prérogatives, a été défait et retourné contre l'universalisme.


Il suffit de regarder les titres de chapitre pour voir qu'on a un essai écrit par une journaliste qui prétend prouver une thèse (Chap. 2 - La fuite en avant ; chap. 2.1 - Du rêve au cauchemar ; chap. 3.1 - La marche totalitaire). On ne peut dénier qu'elle a suivi en détail le fonctionnement de l'ONU ces années-là, et en maîtrise les mécanismes lents et complexes. Je reprocherai à la marge à Mme Markovic une obsession très française, comme de lister comme des exemples à ne pas suivre toutes les diplomates occidentales qui se sont rendues en Iran en acceptant de porter le voile (c'est surestimer la force d'un symbole à mon sens), ou ce goût du profilage pour ceux qui sont vus comme des adversaires : elle rappelle avec délectation le prix qu'a décerné Jean Ziegler Muhammar Khadafi, pour mieux discréditer ce haut fonctionnaire de l'ONU. C'est faire bon marché des combats nombreux qu'a mené et que continue de mener cet homme pour sauver notre tradition humaniste.


Il faudrait étudier ce livre en détail, page à page, comme j'ai pu le faire pour Fourest, pour synthétiser ce qui me chiffonne. Son constat sur l'échec de l'ONU est sans appel, au point qu'elle suggère de repartir de zéro avec un noyau dur de démocraties. Vu l'état dans lequel sont nos cultures démocratiques actuellement, je ne sais pas si ce serait une très bonne idée.


Un livre à thèse, bien documenté mais qui fonctionne à charge. Il pointe les dysfonctionnements de l'ONU derrière la langue de bois anesthésiante et distribue les bons et les mauvais points. Je regrette de ne pas en faire une revue complète mais trop de temps a passé.

zardoz6704
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le 28 août 2022

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