Youp-la, pas « boum »
Pour un résumé des Naufragés du “Batavia”, on se reportera à la page wikipédia consacrée à la question. L’intrigue du récit est quelquefois prenante et c’est tout. Dit encore autrement, la...
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le 29 mai 2018
Pour un résumé des Naufragés du “Batavia”, on se reportera à la page wikipédia consacrée à la question. L’intrigue du récit est quelquefois prenante et c’est tout. Dit encore autrement, la documentation prend le pas sur la littérature. « Dans une pareille histoire, nulle imagination ne pourra jamais rivaliser avec la nue réalité des faits » (p. 23 de la réédition Points). À la rigueur, la seule question soulevée par le récit est celle-ci : comment écrire une histoire de sauvagerie et de cruauté quand les événements sont déjà sauvages et cruels ?
Si la nouvelle n’interroge pas le lecteur – c’est-à-dire, elle ne l’interroge pas plus que le réel dont elle s’inspire ne le faisait déjà –, c’est aussi parce que le style oscille entre le journalisme à sensations de l’entre-deux-guerres et le roman psycho-sagesse actuel ; entre « on peut imaginer comment devaient s’exaspérer les haines et les concupiscences, les frustrations et les passions de ces individus si mal assortis à tous égards, et pourtant tous engoncés dans ces mêmes uniformes de lourd drap noir dont la respectabilité hollandaise ne se départait jamais, même pas sous le soleil de l’équateur » (p. 31) et « une vraie aptitude à survivre, ce qui, après tout, est une autre forme d’héroïsme » (p. 69).
Les faiblesses des Naufragés du “Batavia” apparaissent quand on les compare à d’autres récits inspirés de faits réels. Comparons avec deux œuvres aussi différentes a priori que Si c’est un homme et l’Adversaire ; les narrateurs de ces récits-là portent un regard sur le réel qu’ils évoquent. J’ai écrit « narrateurs » alors que j’aurais pu mettre auteurs, et c’est déjà le signe que les récits de Primo Levi et d’Emmanuel Carrère sont plus problématiques, donc plus riches.
Prosper, qui fait suite aux Naufragés du “Batavia”, paraît moins ambitieux. C’est aussi un récit de marins. Mais il s’agit ici pour l’auteur-narrateur de raconter sa première campagne de pêche sur l’un des derniers thoniers à voile. On n’y lira rien de vraiment palpitant, à moins d’être un ami de l’auteur ou un marin-pêcheur en herbe. Écrit en 1958, publié en 2003 – et il faudrait arrêter de croire qu’un récit qui passe cinquante ans dans un tiroir est forcément un joyau oublié : il peut y avoir des raisons –, il aurait peut-être été meilleur sur le coup : qui s’intéresse aux histoires de marins en 2018 ?
Tout cynisme mis à part, Prosper offre une lecture distrayante. Au lecteur de voir si c’est déjà pas mal ou insuffisant. Car ce récit-ci propose lui aussi sa part de psychologie de comptoir (« au retour, il [le mousse] sera un dur petit adulte de treize ans, sans rêves et sans jeux », p. 99) et de clichés (« la mer avare de son poisson, et les saisons avares de leur clémence, et la chance avare de ses sourires ont eu à peu près le même visage pour tous », p. 88).
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le 29 mai 2018
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