Les Noms
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Les Noms

livre de Don DeLillo (1982)

L'anti-Bouvier (critique en construction)

Il est ambitieux, ce livre de Don Delillo. Et il est fichtrement dense. Et fichtrement bien écrit. Et pas facile à lire. Mais c'est un grand livre.


Et c'est un peu l'anti-Bouvier, ce chantre du voyage.


Pourtant, au départ, ce n'était pas la direction que semblait prendre le livre. On oublie les cadres supérieurs de Manhattan, et nous suivons, dans un récit à la première personne, Jim Axton, un Américain qui travaille dans un milieu d'hommes d'affaires internationalisés, principalement basé à Athènes. Il se déplace beaucoup à travers tout le Moyen-Orient, mais au début il fait un long arrêt dans l'île de Kios, où sa femme (ils sont séparés mais arrivent à se parler) fouille un site protohistorique avec son fils Tap. Et le livre nous noie sous les détails pittoresques de la ville quotidienne dans ces iles. Et l'on a l'impression de voir quelque chose de rare : un roman américain de la deuxième moitié du XXe siècle qui ne serait pas centré sur l'Amérique, et dans lequel entrerait une brise fraîche de Méditerranée.


Cruelle erreur. Car au fil du livre, on se rend compte que le narrateur croise toujours les mêmes expatriés, qu'il saute d'un avion à un autre sans garder la notion de distance, que son métier d'analyste des risques pour une grande compagnie, North East, cache un travail pour la C.I.A., et qu'au fond, toutes ces cultures orientales si variées, malgré ses tentatives de se les approprier, il ne les voit jamais que comme un décor, le cadre d'une forme d'introspection peu fructueuse. Et tous les beaux détails locaux peuvent continuer à pleuvoir, le livre se clôt un peu sur l'échec de cet homme à voyager. Il n'est qu'un agent envoyé en terre étrangère, et n'est même pas conscient de son échec.


D'autres fils se greffent à cela : le rôle du FMI et des banques américaines dans l'évolution du Tiers-Monde, la montée de l'anti-américanisme (avec beaucoup d'allusions aux événements en Iran, au Yémen, en Irak à la fin des années 1970), la découverte d'un improbable groupe qui exécuterait des meurtres rituels, en choisissant des personnes dont les initiales correspondent au nom du lieu où elles seront tuées, les velléités amoureuses de Jim, la manière dont les gens qui gravitent autour de lui évoluent.


Au niveau de l'histoire, je n'ai pas la prétention de tout maîtriser, mais ça se suit assez bien (il y a juste beaucoup de personnages). Un point intéressant, c'est que la première révélation qu'a Jim de l'association secrète a lieu dans la première scène où on le voit seul : dans la plupart des scènes du livre, il est toujours accompagné, comme s'il voulait meubler sa solitude, sans nous le dire. Ce livre est un exemple subtil de récit dans lequel le narrateur ment probablement par omission au lecteur.


Autre point, il faut évoquer la densité et la maîtrise de l'écriture de Delillo. Ses segments de phrase sont parfois très cinématographiques, comme si l'on voyait un mouvement d'appareil entre le début et la fin de la phrase. Ce n'est pas un hasard si le personnage de Frank Volterra se lance dans de grandes envolées sur la création cinématographique. L'auteur aime aussi faire lanterner son lecteur, qui doit attendre plusieurs paragraphes avant de comprendre où se situe l'action, qui parle avec Jim, etc... Cela en découragera sans doute certains.


Enfin, la variété des déplacements des personnages et la richesse des descriptions et des incursions culturelles a quelque chose de terrible, provoquant un effet d'accumulation. De ce point de vue, quelqu'un qui aura effectivement visité des lieux comme Amman, Athènes, Rhodes (ce qu'a la chance d'avoit fait votre serviteur) profitera sans doute bien davantage du livre que quelqu'un qui verra ces noms de l'intérieur. L'auteur n'a vraiment rien fait pour conquérir son public américain, dont beaucoup ont dû jeter l'éponge en route.


Le dénouement est décevant : plutôt que de conclure, Delillo ouvre sur un écrit du fils de Jim, Tap, bourré de fautes mais peut-être éclairant. Cela parle d'un homme frappé d'aphasie, qui s'enfuit dans la prairie. Et puis j'aurais bien aimé savoir ce que devenaient Kathryn, Frank, Owen...


Livre-étonnant, d'interprétation difficile si on le ramène à une thématique américaine : il analyse ce qui fait qu'un Américain restera un Américain à l'étranger, comme si chacun intériorisait plus ou moins qu'il représente l'Empire. Ce faisant, il tente de déconstruire, me semble-t-il, en laissant entrevoir ce que serait une lecture humaniste et au fond assez européenne (mais peut-être que je surinterprète ?) du monde oriental.


Synopsis
(A venir)

zardoz6704
8
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le 9 oct. 2018

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zardoz6704

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