" En 1932, pour dénoncer le philosophe qui aimerait dissimuler sous un amas de grands concepts sa participation à l''actualité impure de son temps', Paul Nizan écrivit un petit essai, Les chiens de garde. De nos jours, les simulateurs disposent d'une maquilleuse et d'un micro plus souvent que d'une chaire. Metteurs en scène de la réalité sociale et politique, intérieure et extérieure, ils les déforment l'une après l'autre. Ils servent les intérêts des maîtres du monde. Ils sont les nouveaux chiens de garde. Or ils se proclament "contre-pouvoir". (...) Le contre-pouvoir s'est assoupi. Et s'est retourné contre ceux qu'il devait servir. Pour servir ceux qu'il devait surveiller. Mais la loi du silence se craquelle. Est-ce la profondeur de la déchirure sociale qui rend soudain insupportable le bourdonnement satisfait de nos grands éditorialistes ? Est-ce l'impudence de leur société de connivence qui, dans un périmètre idéologique minuscule, multiplie les affrontements factices, les notoriétés indues, les services réciproques, les omniprésences à l'antenne? "
" La censure est (...) plus efficace quand (...) les intérêts du patron, miraculeusement, coïncident avec ceux de l''information' ".
" Rapports incestueux entre média et pouvoir".
" Des médias de plus en plus présents, des journalistes de plus en plus dociles, une information de plus en plus médiocre. Longtemps, le désir de transformation sociale continuera de buter sur cet obstacle. Face à un parti non déclaré, à une oligarchie dont on ne doit rien attendre, mieux vaut rechercher et encourager les voix dissidente, conscients du caractère irréversible de leur marginalité médiatique. "
" En ne rencontrant que des 'décideurs', en se dévoyant dans une société de cour et d'argent, en se transformant en machine à propagande de la pensée de marché, le journalisme s'est enfermé dans une classe et dans une caste. (...) Il a précipité l'appauvrissement du débat public. "
- Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde (1997)