Les Onze
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Les Onze

livre de Pierre Michon (2009)

La Révolution française aux portes de la Terreur, comme cadre d'un roman sur la peinture faussement biographique. Pour faire court, disons que c'est la vie (surtout sa jeunesse et ses origines familiales) de François-Elie Corentin, peintre imaginaire d'un tableau imaginaire représentant les Onze (Commissaires du Salut public).

Au début, j'ai été un peu agacé par le style de Michon, qui (je trouvais) se voulait une constante démonstration de « l'avenir de la prose, c'est l'humilité ». Beaucoup de répétitions et d'ajustements, des apostrophes au lecteur, comme s'il ne croyait pas en son récit ou en la littérature contemporaine, qu'une narration sans erratum il trouvait ça orgueilleux et que cet orgueil en signait la perte.
En fait je me suis fait au style, qui établit un compromis assez particulier entre le maintien d'une langue soutenue et la place de l'oral. Rectifications du propos, apostrophes, digressions, tout est fait pour que l'auteur ne perde pas contact avec son lecteur, et que, peu à peu, patiemment, au fil de ces recentrements du propos, il s'approche de la justesse la plus pure. Alors ça peut faire un peu... vieille école parfois, parce que c'est soutenu et que quand il apostrophe le lecteur il nous donne du Monsieur et pas du wesh gros ; en tout cas, j'ai apprécié que la modestie du discours ne soit finalement pas une sorte de constat froid de la débilité de la prose, mais qu'elle instaure vraiment une recherche active de la justesse, recherche qu'on apprécie d'autant plus quand on comprend que cette biographie est une pure supercherie. J'ai aussi eu l'impression qu'à chaque réajustement, glissement de sens, le propos gagnait en assurance, comme si l'humilité de l'écriture de Michon n'était qu'une timidité ou qu'une pudeur, et qu'il osait petit à petit tout déballer, une justesse et une beauté noble et épurée à faire ronronner son lecteur de plaisir (ouais je suis comme ça moi). Ses rectifications deviennent quasi liturgiques par moment et j'ai trouvé que ça contribuait à élever, à mythifier son sujet, par la force du ressassement et l'économie de mots ; à donner au sujet un gros cadre doré accrochable au-dessus d'un David.

J'ai beaucoup aimé le début, le passage en Limousin, le sang et la boue des décennies prérévolutionnaires, la rudesse de la vie provinciale, les bords de Loire, canal et écluses, l'étude du climax du tableau (je laisse à d'autres le soin de le gloser, l'équilibre d'un instant face aux potentialités de l'Histoire, du récit, bla, bla).
Les premières lignes :
« Il était de taille médiocre, effacé, mais il retenait l'attention par son silence fiévreux, son enjouement sombre, ses manières tour à tour arrogantes et obliques – torves, on l'a dit. »

Globalement, c'est un style suffisamment abouti pour qu'il admette d'être lu à haute voix.
Lisez-le c'est court, beau, et d'il y a deux ans.
Rasp
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le 8 janv. 2012

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