Enfin ! J'ai enfin pu mettre la main sur Masters of Doom en français ET en version augmentée.
Très compliqué le parcours ce livre chez nous : une toute première édition sortie contenant uniquement la V1 du livre avec, par la suite dans les années 2010 il me semble, une bien mystérieuse édition française augmentée chez GLOBE, une sous-branche (apparemment) de France Loisirs. Je dis "mystérieuse" car j'ai jamais pu foutre la main sur cette édition, c'est à se demander si elle existe autrement qu'en jpeg sur Google Image. Dommage.
Dommage mais tout va bien, Third Editions est là : big up à eux pour cette initiative, avec ce très beau First Print que j'ai pu acquérir ; lequel je n'ai d'ailleurs jamais touché après l'avoir rangé dans mon étagère.
Effectivement, je suis un converti à la lecture en démat' et puisqu'à l'achat d'un First Print l'on reçoit également l'ebook par mail, c'est ce dernier que j'ai dévoré sur mon téléphone. N'en déplaise aux rageux.
J'ai adoré la lecture de ce livre malgré la note que je lui accorde et au sujet de laquelle je vais brièvement tenté de m'expliquer. Pour l'heure, considérez cette note pour ce qu'elle est (juste une note, ma foi) mais qui s'apparenterait plus à un 6 selec' (vous l'avez ?).
Ce livre est vraiment top pour ce qu'il propose : si vous avez DOOM et toute la clique de Boomer Shooter dans la peau, la lecture de cette ouvrage reste incontestablement du petit lait donc plutôt que d'étaler le peu de beurre que j'ai sur une immense tartine, je vais plutôt m'attarder sur ce qui m'a déplu. Certains défauts sont effectivement à mettre (à mon sens) à la charge de l'auteur tandis que d'autre ne sont pas à proprement parlé un problème du livre mais plutôt des protagonistes en question.
- L'auteur d'abord. C'est effectivement un fan et il ne s'en cache pas. Ce n'est à la limite pas un problème et même un point commun qu'il partage avec moi. Mais gare aux fausses idoles. A vouloir trop les vénérer on finit par minimiser l'impact de leur nocivité.
Pourtant, on ne peut pas accuser Kushner de cacher quoi que ce soit, les comportements les plus toxiques des deux John sont bien là aux yeux de toutes et tous.
Mais, force est de constater que, dans la plupart des cas, cela ne semble pas pousser l'auteur à se questionner sur les aspects très problématiques des deux frères ennemis.
Bref, ça crunch sévère, sa sent la bien la sueur, les blagues de cul parfois carrément cringe et malaisantes et pourtant..... Quel est le problème ? C'est tout à fait normal voyons ! Boys will be boys, en somme.
Certes, vous auriez tôt fait de me rappeler l'importance des différentes temporalités, et vous auriez tout à fait raison.
Tout d'abord le contexte historique du sujet du livre : les années mi-80 jusqu'à la première moitié des années 2000. Effectivement, c'est une époque différente, les gens se comportent différemment, la législation en vigueur aux U.S. n'est pas la même qu'aujourd'hui et le concept de souffrance professionnelle ne semble pas exister.... N'existait-elle pas, d'ailleurs ? Ou était-elle tout simplement ignorée puisqu'inconcevable ? Vaste sujet, quoi que ?...
Vient ensuite le contexte historique de la publication de ce livre. Un texte qui, pour la quasi intégralité, à été publié en 2003. Là encore, les mêmes arguments peuvent être invoqués.
Un livre d'un autre temps qui parle d'un temps antérieur à ce dernier, lu et critiqué en 2024 par un wokard qui jette un regard méprisant sur le passé depuis le confort de son époque du "tout amour, tout respect, tout inclusif". Si tel est votre opinion, elle vous appartient bien évidemment mais ce n'est clairement pas la mienne.
Les bases du vilain wokisme sont posées ce qui va me permettre sereinement de traiter ce qui est, à mon sens, le fond du problème : John Carmack est une sombre merde.
Carmack jouit de l'admiration totale de l'auteur. Sociopathe antipathique dont la névrose est, de surcroit, dégoulinante d'Objectivisme premier degré dont toute notion d'humanisme est absolument inexistante car inutile à la bonne continuation du "projet en cours".
La petite Mitzi, qui devait aimer son maître d'un amour que seuls les animaux domestiques en sont capables, en a payé le prix le plus fort : se faire piquer car devenu contraignante (si tant est qu'elle l'était véritablement).
La seule minuscule trace d'humanité que vous pourriez éventuellement apercevoir chez Carmack est lorsqu'il trouve l'amour de sa vie (amour officiellement terminée en 2021, selon la Cour de Justice en tout cas) en la personne de Katherine Anna Kang, toute aussi zinzin que lui.
Ce livre n'esquisse qu'un bref aperçu de ce qu'est réellement cet homme mais rassurez-vous, vous y apprendrez suffisamment pour détester le monsieur... Ou l'admirer, hein. C'est au choix, ça vous regarde.
Vient ensuite John Romero, le "gentil p'tit gars" de l'histoire. Celui qui privilégie le design, le fun sur la technique pur. Celui qui fait toujours des blagues, la rock star fan des projecteurs et qui a eu une enfance très difficile (elle semble l'avoir été, effectivement).
La vérité c'est que j'adore ce mec. J'adore sa vision, j'adore ses succès, ses flops, ses coups de génies, ses MONUMENTALES erreurs.
Une autre vérité sur Romero, c'est qu'en tant que créatif, chargé de projet au sein d'un studio avec, sous sa responsabilité, d'autres programmeurs, il devient invariablement le même genre de merde. Un manager despote, en totale roue libre qui promet monts et merveilles à qui veut l'entendre et tire tout le monde vers le bas à chaque décision prise.
Celui qui claque tout son fric - et pas seulement le sien - sur des projets faramineux pleins de promesses et vides de résultats. Et dans ce processus à la limite du truandisme, combien de personnes rincées jusqu'à la moelle ? Tout ça pour quoi ? Daïkatana ? Cela valait-il le coup ?
A titre d'exemple, l'auteur montre bien comment systématiquement Roméro décide de sacrifier femme et enfants au profit de son travail, sans jamais remettre en question sa façon d'être, sa dangereuse spontanéité (sa relation avec Stevie Case, Raluca Alexandra Pleșca (19 ans à l'époque... ))
On pourrait targuer que ce n'est pas le rôle de l'auteur, simple observateur, de juger qui que ce soit tant bien même ces gens sont l'objet de son travail.
Voilà peut-être le plus gros problème de ce livre : une œuvre qui traite de bout en bout d'une succession de situations humainement très problématiques et qui, pourtant, manque cruellement de personnalité.
Le langage familier à la cool façon early 2000 (parfaitement traduit et adapté d'ailleurs) ne trompe personne : l'auteur se mue en petit garçon qui refuse obstinément d'être déçu par ses idoles.
Ne vous y trompez pas pour autant, le livre transpire la masse de boulot qu'il a dû représenter pour l'auteur, la bibliographie peut, de toutes façons, en témoigner.
David Kushner est un sacré bosseur et je le pense vraiment. Je l'imagine facilement s'être noyé dans la conception de cet ouvrage qui a dû représenter un travail monstre au long cours.
Probablement le genre de personne qui ne compte pas ses heures.
Un peu comme Carmack et Romero finalement.
P.S. : Sans déconner : merci Third, j'ai adoré ce bouquin.