Les frontières mouvantes de la réalité
Un livre fascinant, déroutant par certains aspects, qui nous emmène à la croisée du fantastique, de la science-fiction pure et dure, et de l'angoisse. On y trouve des villes secrètes à l’intérieur des villes, des entités extra-terrestres cachées au plus profond de nous, des divinités malveillantes, des personnages capables de changer de corps, des mondes parallèles de plus en plus improbables, un miroir qui montre la réalité des êtres... Dans chacune des nouvelles, Wilson fait référence aux découvertes scientifiques et à l’histoire des sciences, et les interroge parfois de manière très pointue (est-ce l’univers qui se dilate, ou l’observateur qui rétrécit ? et que devient le temps dans tout ça ?).
Mais surtout, il se sert de ces postulats scientifiques pour nous emmener aux frontières de notre monde et explorer les singularités qu'il fait naître dans le réel. Il nous plonge avec brio dans "l'inquiétante étrangeté" de notre réalité, tout en développant une obsession particulière pour les intelligences supra-humaines et les couples qui se délitent.
Certaines nouvelles (surtout les premières) laissent un goût d'inachevé, comme s'il s'agissait d'un brouillon, contenant des idées qui mériteraient d'être plus amplement développées. Mais l'ensemble est prenant, servi par une vraie qualité d'écriture. L'omniprésence de la ville de Toronto et l'apparition récurrente de l'étrange librairie Finders donnent un fil conducteur à ces histoires, et l'on retrouve à chaque fois une ambiance particulière, pesante.
"Les Perséides" est au final un livre qu'on a du mal à lâcher, une ballade dans les rues de Toronto qui nous mène aux frontières du réel et de l'humain.
[Dialogue à propos d’une personnage particulièrement solitaire] :
« -Tu as une personnalité de veilleur, a-t-elle conclu en fermant les yeux.
-De veilleur ?
-Mm-mm. Les primates… tu sais… les protohominidés… tous nos styles de personnalité viennent d’eux. Nous sommes des animaux sociaux, à la base, mais le groupe est plus adaptable si tu as par exemple comme meneurs un couple d’hyperthymiques, quelques dysthymiques pour marmonner sans sortir de la maison, et un type, disons toi, pour se tenir à l’écart des autres, pour rester debout quand tout le monde dort, pour monter la garde la nuit, au fond. Un veilleur qui voit approcher les lions. Avec une bonne vision nocturne et peu de talent pour les relations sociales. Chaque tribu devrait en avoir un.
-Je suis ça moi ?
-C’est rassurant, en fait. »
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