C'est l'insupportable attente de l'annonce d'une défaite, celle de la bataille navale de Salamine. Elle sera totale, la cause à un jeune Xerxès emporté par son excès d'orgueil et d'hybris. Pas de bataille homérique, pas de lances brandies et de têtes arrachées, pas d'action épique, pas de poignards glissés dans les péplos ; cette guerre se déroule en ombres chinoises portées par l'intermédiaire d'un simple messager. Ce sont alors les angoisses déphasées d'une mère veuve et les longues lamentations d'un chœur de vieillards en un thrène national puis l'apparition aux relents hamletiens de l'ombre de Darius, père déçu, remontée depuis l'Hadès. Il y a quelque chose de pourri dans l'Empire de Perse.
Plainte, cris déchirants et déchirés, avant même les poignantes Troyennes. Eschyle le premier de la sainte trinité antique, l'oublié, l'archaïque, dans l'ombre de Sophocle et d'Euripide plus souples, plus psychologisants, plus..."modernes" pour utiliser un terme par trop vulgaire.
Pourtant, sous le vernis craquelé et éteint de sa tragédie surannée dans son carcan d'acteurs peu nombreux et du chœur omniprésent, éclatent encore les pigments vivaces de la douleur en harmonie de sang, de poussière et de métal à la touche vivante de l'humiliation. Nul besoin de déités jalouses, de prophéties sybillines ou de machines infernales pour que n'éclate déjà tout le drame humain dans ce récent épisode historique, le seul jamais conservé dans une pièce grecque.
Et si avec cette bérézina antique c'est bien sur l'Athènes contemporaine et la gloriole de ses capitaines qui sont magnifiées la douleur fière de ce peuple Perse vaincu ne devait pas laisser — et ne laisse pas — insensible l'auditoire.
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