Une immersion en milieux gériatrique...

Les petits vieux d’Helsinki mènent l’enquête est le genre de livre au style tellement particulier qu’il vous perd ou vous happe en quelques pages.
Pour ma part, j’ai décidé de me laisser séduire par l’expérience et même si ce livre n’est pas mon genre a priori, il fut un bon moment.

En lisant Dumas Key de King, j’avais déjà éprouvé ce sentiment bizarre. King au début de son roman nous offre un récit déphasé et hachuré auquel il est difficile de s’accrocher au départ. La chose ne dure pas mais est là pour plonger le lecteur dans l’état d’esprit de son héros. Et bien ici, c’est un peu la même chose. On passe du coq à l’âne et à bien d’autres choses encore sans trop savoir quel est le lien, on se perd dans la lenteur d’un quotidien un peu monotone, on ère de tramway en tramway dans la vile d’Helsinki dans le but quasi unique de découvrir tel ou tel création de tel ou tel architecte.
Au départ, il faut l’admettre, la chose est troublante (ce qui explique peut être la moyenne si basse de ce premier volet). On a un peu l’impression de se retrouver entouré de vieux gâteux, dans une histoire qui n’avance pas.
Mais c’est là toute la magie de Lindgren. On a bel et bien l’impression de se retrouver entouré de ces vieux gâteux dont le temps s’est mit à ralentir. Ou à s’accélérer. Enfin dont le temps n’est pas le même que le notre.

Plus d’une activité par jour ? Changer de tramway au hasard ? faire un raid nocturne dans le service fermé de la maison de retraite ? Tel est, pour nos héroïnes le summum de la prise de risque. De l’adrénaline à l’état pur pour leurs vieux coeurs.
Alors forcément, le rythme n’est pas celui d’un roman de jeunes. Pas même le rythme d’un Miss Marple. D’ailleurs, leurs enquêtes n’ont rien de comparable. Miss Marple, elle, ne vit pas en maison de retraite et ne doit pas lutter contre des ennemis invisibles tels que les médicaments qui augmentent mystérieusement ou les chefs de service agressant sournoisement les petits vieux.

Au file du roman donc, on s’immerge dans cet univers de personnes âgées. Leurs discutions et leurs réflexions sur la mort nous deviennent familières, leurs peurs de devenir gâteuses ou leur frustration de se retrouver seules au monde également.
En prenant son temps et en donnant à son roman une bonne dose d’humour, qu’il soit un peu noir ou un peu absurde, Lindgren nous offre une expérience nouvelle et curieusement rafraîchissante : nous mettre dans la peau d’une petite vieille de quatre vingt dix ans et des poussières qui lutte contre des problèmes à son niveau et s’offre des plaisirs à sa hauteur. Car à mesure que le roman s’égraine, le lecteur vieillit. Il prend le rythme de la lecture, se faufile entre les personnages qu’il découvre et à presque la sensation d’être lui même un membre de la bande, les courbatures et l’arythmie en moins.

Les petits vieux d’Helsinki se couchent de bonne heure est donc à prendre comme cela : une expérience. Un moment agréable si l’on joue le jeu, une histoire plutôt sympathique avec des rebondissements dignes du quatrième âge et une enquête qui l’est tout autant. Bien sûr, tout le monde n’appréciera pas et je dois avouer que je ne m’attendais pas du tout à ces (oui, j’ai trop lu et regardé Miss Marple étant gamine), mais l’originalité du livre fait aussi son charme. Un bon petit roman donc, qui donne envie de lire la suite par pure curiosité et qui se lit agréablement dès lors que l’on accepte le fait qu’il nous raconte des histoires de vieux comme le feraient lesdits vieux, avec ses digressions, ses chamboulements et ses psychodrames qui nous paraissent si légers lorsque l’on est pas encore vieux.