Un recueil beaucoup plus intéressant que le très soporifique "les machines à bonheur", ( http://www.senscritique.com/livre/Les_Machines_a_bonheur/critique/13989341 ) que j'avais précédemment acheté par erreur alors que j'étais à la recherche de "Un coup de tonnerre". Pas grave, j'ai enfin pu lire dans ce livre-ci cette célébrissime nouvelle qui nous convie à un safari préhistorique où des voyageurs temporels risquent de bouleverser le futur en partant à la chasse au T-Rex. Aussi courte que géniale, la nouvelle introduit l'effet papillon dans la science-fiction, concept qui sera ensuite repris dans une pléiade de récits temporels. A lire absolument ! Bon, du coup, il me reste plus de 300 pages à me farcir, alors tant que j'y suis...
Volontairement ou non, les nouvelles semblent structurées sur le thème du voyage. Aussi, le mélange entre fantastique, absurde et science-fiction semble moins chaotique que dans "les machines à bonheur". De plus, les idées sont plus originales, l'auteur ne se contentant plus de raconter des mini tranches de vie qui n'aboutissent à rien mais bien des historiettes finement taillées, gorgées de poésie et de mélancolie (parfois même un peu trop).
"Le promeneur" donne un avant-goût de "Fahrenheit 451" en décrivant un futur où il n'est pas considéré comme normal de... se balader pour le plaisir !
"Les grands espaces" est une autre (très belle) histoire de science-fiction où des femmes s'apprêtent à rejoindre les hommes qu'elles aiment sur Mars... sans espoir de retour terrestre ! Bradbury décrit à merveille la sensation de perte absolue qui accompagne les grands voyages. Mais comment faire le deuil de la Terre ?
"Les fruits au fond de la coupe" est une nouvelle très drôle où un tueur rempli de TOC ne parvient pas à quitter la scène de crime. Ou que se passerait-il si Monk avait été un assassin plutôt qu'un détective.
"L'assassin", justement, est ma préférée du recueil. Petit bijou de science-fiction et d'absurde où Bradbury prévoit, plus de 40 ans à l'avance, notre époque de dépendance totale aux gadgets de communication. Dans un monde où on est agressé à chaque seconde par des messages de nos proches et de nos amis qui n'ont souvent rien à nous dire (youhooou ! Facebook ! Où es-tu ?) un homme pète un câble et décide de détruire tous les ersatz de smartphones qui croisent son chemin. Visionnaire et bourré d'humour inquiétant.
"Les Noirs contre les Blancs" se veut un brûlot anti-raciste (ce qui était assez rare au moment de sa rédaction dans les années 50) mais écrit avec subtilité et un certain sens du suspens. Me faire apprécier une histoire de baseball, c'était pas gagné. Pourtant, le contrat est bien rempli !
"La centrale électrique" est un récit mystique plutôt plaisant mais un peu trop abrupt pour vraiment convaincre.
"La prairie" est un autre moment d'hallucinations et de tendresse mêlées où de simples décors de cinéma se voient affublés d'une vie parfois plus foisonnante que celle du monde réel.
Enfin, "Adieu et bon voyage" propose une réflexion intéressante sur le passage du temps et la perte à travers le destin d'un enfant qui ne vieillit pas.
Les autres histoires sont un peu moins percutantes mais aucune n'est à jeter. Un total de 22 nouvelles agréables et très diversifiées mais qui ne m'ont pas encore convaincu du génie de Bradbury au niveau des histoires courtes. Son roman "Fahrenheit 451" était-il un coup de chance ? Je tenterai une dernière fois l'aventure avec les "chroniques martiennes" pour me faire un avis définitif...