A chaque fois que sort un polar de Jean-Christophe Grangé, je ne peux pas m'empêcher de plonger dedans avec une certaine délectation car je sais que je vais passer un très bon moment. Une fois encore, je n'ai pas été déçu, sachant que le thème de ce polar se télescope presque avec l'actualité brûlante de la guerre en Ukraine.
Je ne dirai pas qu'il s'agit d'un thriller, mais plutôt d'un excellent polar noir qui nous plonge au cœur du système nazi, à l'aube de la seconde guerre mondiale. Une nouvelle fois, Grangé a développé son intrigue en apportant force de détails et d'explications qui nous démontre son formidable travail de documentation.
A l'aube de l'invasion de la Pologne, dans Berlin étouffée par le régime nazi, des épouses de hauts-dignitaires sont assassinées et mutilées, tandis que leurs chaussures disparaissent. Elles tomberaient sous les coups d'un Monstre... Inquiet, le régime confie à la Gestapo la mission de retrouver l'auteur de ce carnage.
Trois personnages entrent en jeu, trois personnages étonnants et surprenants à plus d'un titre. Il y a d'abord Franz Beewen, un officier SS, un gestapiste, à qui on a confié l’enquête. Mais il est empêtré, car ce n'est pas l'habitude de la Gestapo de rechercher un criminel. Car en principe, elle les "invente de toutes pièces", comme le rappelle l'auteur. C'est à la fois plus simple et plus efficace. Mais Beewen n'est pas un nazi comme les autres : son père est devenu fou, car gazé pendant la première guerre mondiale. Et depuis, il croupit depuis dans un asile, dirigé par Minna Von Hassel, une psychiatre, directrice de l'établissement. Cette dernière est issue d'une très riche famille bourgeoise de la capitale allemande. Elle accepte de seconder le nazi tout en associant son ami Simon Kraus, autre psychanalyste, séducteur à l'occasion gigolo, maitre-chanteur qui avait les victimes dans sa clientèle, car fréquentant le même club pour privilégiés, l'Adlon.
Leur enquête va rebondir au fil des impasses et des chausse-trappes que la Gestapo ne manquera pas de semer au fil des pages. D'autant qu'une horreur, un certain Ernst Mengerhäusen, un médecin nazi manipulateur et déterminé, n'hésitera pas à tout faire pour qu'ils échouent.
Au fil des pages, Franz Beewen, colosse brutal et sans pitié, va se révéler lorsque la violence l'obligera à se confronter à sa vraie nature, emplie d'une part d'humanité.
Grangé nous bouscule dans la seconde partie du roman, en nous ouvrant les yeux sur l'horreur, sur la terreur qui était distillée au sein des communautés juives, tsiganes ou encore les laissé-pour-compte handicapés et autres malades incurables. La violence est utilisée, ici, pour la combattre au travers de ses excès, ses défauts, ses abominations. Rien de tel que de combattre un mal par ce même mal. Et Grangé nous oblige à une réflexion sur le fond de la nature humaine, poussée dans son paroxysme effarant de destruction, qui nous interpelle aussi au travers de cette nouvelle guerre conduite par les russes sur le peuple ukrainien.
Jean-Christophe Grangé réussit un coup de maitre en nous racontant une intrigue de fiction complètement immergée dans l'Histoire, même si celle-ci comporte des pages sordides et détestables. C'était un exercice de haut vol, risqué, difficile, mais qu'il réussit parfaitement. Il m'oblige ainsi sans aucune hésitation à vous le recommander. Vous ne le regretterez pas et pour une fois, le besoin de lecture de thriller et d'horreur, en fera peut-être réfléchir quelques-uns sur leurs véritables envies.