Devoir de mémoire
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Cavanna naît en 1923 à Nogent dans un quartier italien haut en couleur, où la plupart des pères étaient maçons et les mères femmes de ménage. C’est assez rare pour être précieux, le récit d’un enfant d’émigrés, en France durant les années 20 et 30, avant la 2nde guerre mondiale. Je me trompe peut-être mais il me semble que les prolos étant souvent peu ou pas éduqués, peu portés sur les lettres, leurs histoires et leurs récits, transmis oralement, ont tendance à s’estomper alors que la littérature nous documente sur des vies bourgeoises. C’est un vent de fraîcheur de lire les souvenirs de Cavanna, du fait de son style collant à l’oralité, on peut dire sans fard, brut de pomme. Il arrive à nous faire entendre le patois de ces Italiens du nord, tous de la même vallée d’un affluent du Pô. Le petit François est un enfant aimé et heureux ; il fait les quatre cents coups avec ses potes et il idolâtre son père, un homme sans prétention, honnête, qui sait tout faire sauf lire et écrire, et d’une générosité si abondante et proverbiale qu’il est très respecté de tous les maçons italiens de Nogent-sur-Marne. Sa mère (nivernaise) est plutôt amère et pleine d’acrimonie, elle n’arrête pas de leur crier après. Les histoires sont enfilées comme un collier de perles, comme si c’était au fur et à mesure que les souvenirs affluent, sans ordre chronologique ni thématique et cette construction (d’apparence) bordélique (pour rester dans le ton cavannien) contribue au plaisir de la lecture, ainsi que la langue truculente. Cavanna y raconte ainsi une fugue vers 14 ans, et aussi les jeux d’imagination fertile quand il rêve avec des images de jouets au lieu de se plaindre amèrement du manque. Il dresse le portrait de ces exilés bruyants ; catholiques, parfois bigots ou superstitieux, ils ne peuvent se permettre le luxe de la politique sous peine d’être retourné à l’envoyeur dans l’état mussolinien. Un tel livre serait-il publié aujourd’hui ? car Cavanna ne cherche pas à embellir la réalité sociale, il est à mille lieux du politiquement correct, il éclaire aussi la brutalité, y compris celle des enfants, les préjugés, il ne pose sur rien un voile pudique et c’est parfois vulgaire. On est dans les années 30 et on a froid dans le dos de réaliser l’étendue du racisme quotidien si répandu, de l’antisémitisme en particulier et de la misogynie, ne serait-ce qu’à travers le langage ordurier des enfants. Une réalité parfois choquante et complexe, auréolée de chaleur et d’affection, au lieu d’un tableau où serait gommée toute aspérité.
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il y a 4 jours
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