Parle-d'Or et les trois ours
Il y a de cela quelques années, j'ai vu le film tiré du 1er tome de Philip Pullman sans avoir lu le livre et en conservant pour seul souvenir un combat féroce entre deux ours polaires.
Il y a de cela un mois, j'ai voulu feuilleter les premières pages dudit tome, par curiosité, chez une amie. En peu de temps, je me suis retrouvée à avoir lu les quatre premiers chapitres en ayant la furieuse envie de lire les suivants. De retour dans mon foyer doux foyer, je me suis procurée le tome pour l'ajouter à ma bibliothèque déjà bien encombrée.
A la croisée des mondes - les royaumes du Nord est un livre qui vous transporte rapidement dans un monde où chaque humain est accompagné, de sa naissance à sa mort, d'une créature qui reflète sa personnalité et avec qui il possède un lien qu'il ne brisera jamais, même pour tout l'or du monde. En effet, le lien qui unit les daemons à leur humain est si puissant que l'angoisse prend à la gorge toute personne qui verrait son daemon s'éloigner de lui. Plus encore, l'effroi s'insinue dans les esprits de toute personne découvrant un daemon sans humain ou, inversement, un humain sans daemon.
Un monde où la Poussière est un flot de particules mystérieuses, invisibles, qui inquiète et attire tout à la fois, parce que personne ne sait d'où elle vient, parce qu'on ne connaît pas ses effets, parce qu'on ignore pourquoi elle se dépose plus sur les adultes que sur les enfants.
Un monde où les enfants disparaissent du jour au lendemain, sans que l'on ne sache trop comment ni pour quelle raison (bien que l'on découvre assez rapidement le mode opératoire des "Enfourneurs").
Un monde où l'on réalise rapidement que le destin de toute une civilisation repose sur les frêles épaules d'une fillette prénommée Lyra et son daemon polymorphe, Pantalaimon.
Oui, l'héroïne de l'œuvre de Philip Pullman est une enfant, bagarreuse, énergique, instinctive, vive, curieuse, pas très obéissante mais dotée d'un bagou extraordinaire. Extraordinaire parce que cette capacité va tout de même la tirer de pas mal de mauvais pas et lui faire esquiver toutes les embûches qui vont se dresser sur sa route. Un peu trop extraordinaire en vérité puisque bien des mômes de son âge seraient devenus rouge comme des pivoines ou se seraient mis à bégayer en déblatérant les mêmes bobards qu'elle. Voire, ils n'auraient carrément pas pu ouvrir la bouche et se seraient mis à paniquer. Et dans des situations assurément bien moins tendues que celles dans laquelle elle s'est retrouvée.
Sauf que Lyra étant l'héroïne, il ne lui est pas permis de trembler des genoux, même face à des ours polaires bardés d'armure ou en plein cœur d'un incendie. Ce qui nous donne un ouvrage relativement tourné vers les plus jeunes qui se plairont à rêver qu'ils sont capables de faire de même. Les plus grands trouveront le tout plutôt facile et peu crédible.
Cependant, Pullman a un style qui se laisse dévorer sans indigestion et il a su développer un monde à la fois proche du nôtre et pourtant, très différent. On retrouve des noms familiers (comme Oxford ou les gitans) et d'autres qui sortent tout droit de son imagination - et qui n'auront absolument aucune signification pour le lecteur au premier abord (les panserbjornes, les Skraelings, etc.). En fait, il a réussi à réaménager la géographie que tout le monde connaît pour en reconstruire une nouvelle, dominée globalement par les glaces.
Ainsi, Lyra - dont on découvre finalement l'apparence au fur et à mesure des chapitres - va aller à la rencontre des peuples de ce monde en entraînant le lecteur avec elle.
Le rythme est assez rapide, puisqu'on ne voit pas passé les quelques 300 pages du tome 1, mais un peu trop à en juger par la fin que je trouve précipitée. Le "face-à-face" Asriel/Coulter tombe un peu comme un cheveu sur la soupe et, même si on comprend ce qu'il se passe - par déduction -, les évènements sont survolés, évasifs. Ce qui atteste encore une fois qu'il s'agit d'un livre pour les plus jeunes, qui pourraient être choqués par des descriptions plus concrètes. En tant qu'adulte, ça m'a plutôt empêché de ressentir l'émotion qui aurait dû me prendre à cet instant (à moins que ce ne soit dû à ce qu'il se passe entre les deux adultes de l'histoire).
Par conséquent, je ne peux donner plus que 7. Le tome partait sur les chapeaux de roue, en me refaisant vivre cette envie d'engouffrer des pages et des pages de lecture ; se maintenait ensuite avant d'aboutir sur un pétard mouillé qui a un peu gâché mon plaisir. Espérons que le tome 2 soit mieux géré de ce point de vue là.