J'avais laissé le jeune François à Nogent-sur-Seine, à faire des tours de cons avec ses potes, découvrir les "petites fentes" et tout et tout et tout.... (lire Les Ritals , merveilleux hommage d'un fils à son père).
Là je retrouve Brraçva (accent Russe oblige) qui va apprendre à grandir un peu plus vite que la moyenne, contexte oblige! Nous sommes en 1939 (les Allemands se sentent un peu à l'étroit chez eux , puis ils ont envie de faire découvrir au reste de l'Europe le fabuleux Leberkäse, l'incontournable Strudel sans oublier l'indispensable Jägermeister .....bref ils traversent la frontière histoire de venir nous les briser!). Et nous allons suivre ce cher Cavanna durant trois paires d'années! Années bien remplies car entre l'exode vers le sud, sa découverte de la rigueur professionnelle allemande (S.T.O oblige) puis enfin la débâcle des Boches à leur tour envahis par les Rouges (bien fait pour leur gueule!), François ne s'ennuie pas! Et c'est un régal de suivre son parcours! Pacifiste convaincu (comment ne pas le devenir après l'avoir lu?!), il nous relate ces évènements bien plus sombre que ceux des Ritals, sans jamais tomber dans le pathos ou la larmichette facile! C'est drôle! Très drôle! Car oui, on peut rire des périodes sombres de notre histoire! Le tout est de le faire avec subtilité et génie mais avec Cavanna, c'est un pléonasme!
Mais ce n'est pas tout! Comme Les Ritals avait un peu dévié de son objectif initial (en gros, raconter des souvenirs de jeunesse) pour se transformer en une déclaration d'amour à son père, "Les Ruskoffs" ne se contente pas de raconter la guerre et ses horreurs! C'est aussi et surtout une histoire d'Amour! L'amour du jeune François et de la jeune Maria (ukrainienne rencontrée dans l'usine allemande). Une belle histoire sincère, simple, sans chichis ni envolées lyriques, touchante. Plus rien ne compte même les retrouvailles avec ses parents au retour en France :
Papa-Maman. Exclamations prévues. J'arrive pas à être au diapason. Je me traite de dégueulasse et de coeur sec, alors, mon salaud, y'a que le cul qui t'intéresse, le cul qui te fasse vibrer, qui puisse te rendre heureux ou malheureux, te faire sauter de joie ou crever de chagrin? Bein oui.Je suis comme ça. Je découvre avec gêne, avec honte, que je donnerais tout au monde pour être avec Maria, que si demain il faut aller vivre dans un camp de déportation sibérien pour être avec elle j'y courrai avec joie, je laisserai tout, que même papa, même papa, je suis prêt à l'abandonner dans ses larmes pour rejoindre Maria. C'est comme ça.
Bref, un livre fortement conseillé, où loin de tout militantisme et démagogisme, l'humanisme de Cavanna nous happe page après page et donne malgré tout envie de croire encore en l'être humain!