Les Seigneurs du thé par BibliOrnitho
Avec ce livre, le lecteur oscille entre fiction et réalité. Il reste bien sûr un roman, mais les personnages ont réellement existé et le récit est basé sur des archives historiques.
Rudolf Kerkhoven est à Delft aux Pays-Bas et achève ses études. Nous sommes eu XIXe siècle, approximativement au milieu (1869) et les ses parents sont partis aux Indes Orientales Néerlandaises (Indonésie) pour y cultiver du thé. Les débuts semblent difficiles, mais le Rudolf bout de les rejoindre et s'irrite de ne recevoir aucune nouvelle des siens lui demandant de s'embarquer. Il part finalement et arrive dans un pays qui l'enchante. Il s'adapte rapidement et après une phase d'apprentissage au sein de sa nombreuse famille sur place (parents, cousins de divers degré), il devient l'administrateur de sa propre plantation : Gamboeng, dans l'Ouest de l'île de Java. Marié depuis peu, le jeune couple travaille d'arrache pied. La vie est extrêmement difficile mais à force de travail, d'économie et de privation, l'entreprise finit par prospérer.
Ce magnifique roman, que je rapprocherais volontiers de La Ferme africaine de Karen Blixen (Out of Africa) dans une version extrême orientale, nous conte fidèlement la vie de ces pionniers européens s'expatriant leur vie durant pour vivre dans les colonies. On y suit un homme dans son labeur quotidien pour gérer ses plantations de thé, de café et de quinquina. Le ton très narratif ne pèse aucunement sur le récit qui n'est jamais ennuyeux, jamais longuet. Les dialogues sont relativement rares. Après avoir achevé le livre, on ne sait que penser du personnage principal Rudolf Kerkhoven. Il semble avoir travaillé honnêtement toute sa vie en veillant sur les siens. Sa femme et nombre de ses proches l'accuse au contraire d'orgueil et d'avoir sacrifié la vie de sa famille à ses désirs de réussite. Le personnage est en tout cas décrit en profondeur par Hella Haasse qui ne le présente pas uniquement sous son meilleur jour mais au contraire, humain, avec ses qualités et ses défauts, ses peurs et ses lubies. L'auteur ne cherche jamais a donner tort ou raison aux protagonistes et ne porte aucun jugement : elle garde toujours un ton purement descriptif, journalistique dirais-je, en veillant à garder un certain recul, sa neutralité. Au lecteur de se faire sa propre idée.
Le final est particulièrement émouvant : il donne la parole à Rudolf au crépuscule de sa vie. Il s'interroge sur sa vie, ses choix et reconnaît un certain nombre d'erreurs. Son amour pour son épouse décédée est intact et le manque réel.
Une réussite et un beau voyage empreint d'exotisme.