J'ai envie d'entamer cette critique par un mot : Espoir. Il y a en effet de l'espoir, car quand on lit un récit comme Les Tours de Samarante, on sent que les jeunes auteurs de SF en ont encore plein dans la tête. Et particulièrement Merjagnan, un français ! Sa noire vision décrit un monde qui lui-même s'inscrit dans un vaste univers qui promet de belles années à l'histoire qu'il ouvre avec cette première oeuvre.

Faute d'être objectif (on ne peut plus l'être après avoir lu ce chef-d'oeuvre), je ne mâcherai pas mes mots en disant que l'auteur nous sert un bouquin monumental. Le lexique offert au lecteur à la fin du livre en dit long sur l'imagination de ce nouveau génie français. Comme Herbert l'avait fait, créer un lexique permet au lecteur de se plonger totalement dans une atmosphère qui matérialise presque concrètement dans sa propre tête les paramètres de l'univers décrit. C'est ici le cas. Merjagnan réalise brillamment ce coup de maître du « plus que décrire », celui d'immiscer sans crier gare tout un macrocosme dans notre cerveau et ce, sans qu'on s'en aperçoive... Et une fois qu'il a pris possession de votre échine, c'est à son tour ses personnages si particuliers qui vous tiennent en haleine comme jamais.

Bon, un brin d'objectivité. C'est essentiel : ce roman est le premier d'une série dont le second volet est déjà paru aux éditions Denoël. La fin de ce premier opus laisse donc le récit dans le feu de l'action. Non, ça n'est pas grave, et ça n'est pas une manoeuvre commerciale sournoise, mais une démarche logique, toute à fait compréhensible lorsqu'on tente d'appréhender un peu la mécanique du récit. Chronologiquement, on comprend pourquoi Merjagnan suspend l'action de ses personnages à ce stade. Son style est terriblement beau, profond, fluide et ... personnel à chacun des personnages. Lorsque le narrateur a parlé, les phrases paraissent prendre les tournures d'un autre qui viendrait modeler le récit. Il n'en est rien : ce sont les personnages de Merjagnan qui s'expriment à travers lui. Comme mieux décrire la sensibilité de Cinabre que par sa propre voix ? Comment mieux cracher la hargne de Triple A que par ces jurons argotiques abondants ? Au-delà des personnages, le style est surprenant. L'auteur fait prendre à ses phrases une tournure inhabituelle dans la S.F. d'aujourd'hui. Nous avons la chance d'être francophone et il est clair que certaines des métaphores de l'oeuvre se perdront à la traduction...

Ma première déception en lisant ce superbe livre est de l'avoir dévoré parfois dans des endroits bruyants, et non chez moi, au calme, ou je n'avais la possibilité d'en savourer tous les détails littéraires et fictionnels. Ma seconde, qui n'en est pas vraiment une, est d'avoir eu presque la même sensation qu'après avoir lu Dune : il est des messages implicites du récit tellement complexes qui vous font dire que vous ne pouvez pas les comprendre totalement la première fois, et qu'il faudra revenir pour les découvrir totalement. Ces deux raisons font de cet ouvrage une pièce à avoir dans toute bonne bibliothèque de science-fiction qui se respecte, pour peu qu'on ait ouï dire l'identité de ce jeune auteur qui, finalement, est relativement peu connu dans le paysage de la science-fiction moderne, quoique ...
Biohazardboy
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le 31 janv. 2012

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Biohazardboy

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