Si on lui donne assez de temps, l'hydrogène se demandera d'où il vient... c'est fait.
Voilà un bouquin bien daté (1976) qui pourtant ne perd rien de sa pertinence et reste tout à fait passionnant même si les choses ont beaucoup évolué depuis dans les domaines de la physique des particules et de la cosmologie. Il reste même un grand classique qui a contribué à répandre les concepts cosmologiques auprès du grand public. Aucune liste de science ne saurait être complète sans lui.
Il s'agit donc en effet de nous décrire l'histoire des premières minutes de notre univers et de nous faire découvrir un milieu ahurissant où règne des températures de l'ordre du milliard de degrés, des pressions quasi infinies et où tout est lumière car rien n'a encore eu le temps d'être créé. Le sujet du livre est donc en soi un tour de force. On ne peut que rester admiratif devant la puissance de réflexion qu'il aura fallu déployer au cours du dernier siècle pour concevoir l'inconcevable et mieux encore , pour le quantifier comme une expérience de laboratoire.
Le livre est puissant en effet non seulement dans la maestria du développement, mais aussi dans son souci de rester près des lois physiques, des mesures, des règles mathématiques qui sous-tendent ce début d'Univers. Weinberg ne fait pas que raconter (et il fait ça très bien) mais il démontre patiemment d'où viennent les chiffres extraordinaires qu'il nous donne à imaginer. Ce côté démonstratif , cette exposition du raisonnement des physiciens, est d'ailleurs ce qui rend le livre un poil indigeste parfois et je ne compte pas les fois où j'ai dû lire et relire le même paragraphe pour être sûr d'avoir saisi ce que l'on me disait. (A noter que les maths sont malgré tout évacuées en fin de livre dans de très bonnes annotations finales).
La narration est superbe de bout en bout mais certains chapitres sont plus passionnants que d'autres, notamment ceux qui concernent l'immense découverte (fortuite) faite en 1965 du bruit de fond cosmique, rayonnement fantôme issue des premiers instants de l'Univers. Weinberg présente avec une justesse le parcours erratique de cette découverte, qui semble avoir été faite avec trente ans de retard. Ce faisant, il nous expose ainsi le fonctionnement interne de la science internationale, ses succés et ses malentendus. On y voit aussi Weinberg se morfondre de ce que la technologie est impuissante à sonder les fins-fonds de l'univers, technologie qui le contredira heureusement et radicalement dans les années 90. Passionnant.
Le livre termine sur une mise au point de Weinberg, qui expose certaines découvertes plus récentes en cosmologie. Pour le lecteur de vulgarisation, bien des choses se sont rajoutées depuis au propos de l'auteur, notamment la thèse inflationnaire, les cordes, la détection récente des ondes gravitationnelles, ou encore la confirmation d'un univers à courbure nulle. Mais on remarquera que le grand défi actuel est déjà évoqué par Weinberg, de manière succincte : cette matière noire qui compose 98% de notre univers et dont nous ignorons tout.
Livre indispensable pour tout amateur de science et livre époustouflant pour qui découvre pour la première fois le visage du jeune Univers. Recommandé.