Les avis ont divergé et divergent encore sur la valeur littéraire de la correspondance de la marquise de Sévigné ; il faut dire qu'il est difficile de juger et de jauger ce qui n'est pas une œuvre volontairement conçue pour être lue par un public tierce (autre que sa fille qui est la destinatrice principale de ces lettres et que quelques autres amis, cousins...).
Force est de reconnaître que les défauts sautent aux yeux et peineront à enthousiasmer bon nombre de lecteurs ; la répétitivité des thèmes abordés (la séparation d'avec sa fille, la maladie, la politique), des formules utilisées (de politesse) mais surtout l'obscurité qui émane des récits autour de divers personnages. On touche là le nœud du problème puisque ces lettres s'adressant à une personne (en général) qui connaît parfaitement les gens étant sujets des dites lettres ; une personne qui répond et qui crée un échange avec la marquise avec tout ce cela implique comme abstractions pour le lecteur n'ayant pas ces réponses sous les yeux ; le lecteur finit parfois par se demander quel est le réel sujet de conversation entre les deux femmes. Pire il est surtout perdu car n'ayant pas assez d'éléments pour apprécier cet échange. On rejoint là les critiques sur la substance même de ces lettres qui n'en deviennent que des moments de banalité bien contés.
L'autre problème majeur de ce manque d'informations et de précisions c'est que comme les protagonistes évoqués ne le sont que directement, sans jamais aucune description de caractère et de sensibilité (ou alors très peu), il nous est difficile de ressentir des choses pour ces personnages. Même pour Mme de Grignan elle-même puisqu'elle n'est qu'un fantôme à qui s'adresserait une Madame de Sévigné qui pourrait bien être sénile et avoir écrite des lettres imaginaires. Bien entendu ce n'est pas le cas mais le résultat est le même pour nous. Au fond tout n'est qu'accessoire, hors la marquise elle-même.
Mais si la critique se partage sur le fond et l'intérêt littéraire de cette correspondance, il n'en est rien sur la forme, le style remarquable de Mme de Sévigné fait merveille la plupart du temps, son talent pour l'écriture fait que l'on aimerait qu'elle eut été romancière, et sans doute l'aurait-elle été si elle fut née au 20e ou 21e siècle, comme le soulignait Virginia Woolf.
On aurait aimé d'ailleurs que dans ses lettres elle s'attarde un peu plus sur sa relation à Dieu, sur ses considérations autour de la mort et sur son amour de la littérature tant ces brèves évocations sont savoureuses et attirantes.
Les lettres de la marquise de Sévigné ne pourront que ravir ceux qui se mettront dans sa peau, souffriront avec elle, partageront ses visions bruts mais sincères de la vie mais laisseront aussi de marbre les lecteurs qui en attendaient un peu plus, ceux qui espéraient y trouver un témoignage d'un temps jadis, des échanges plus profonds, moins superficiels et plus variés.
Une seule chose est sûre, cela n'a pas finit de nous diviser.