"Quand un prince va parler, on doit faire silence"
"Les oeuvres d'art sont d'une infinie solitude; rien n'est pire que la critique pour les aborder. Seul l'amour peut les saisir, les garder, être juste envers elles."
C'est une critique sans en être une, je le fais parce que ce livre m'a donné une furieuse envie d'écrire, pas dans le but de critiquer vraiment. Je l'ai lu la première fois à 17 ans. Il trônait dans la bibliothèque de mon paternel, tel un trésor, gardé précieusement entre Les Fleurs du mal, La Plaisanterie et L'étranger, entre autres. M'étant déjà attaquée aux trois autres auteurs, je conclus que mon père devait avoir bon goût, ou du moins que j'avais du hériter du sien, et décida de m'attaquer à Rilke. L'Ecrivain selon lui, celui qu'il sauverait s'il ne fallait en garder qu'un. Pleine de curiosité devant tant d'admiration de la part du créateur de mes entrailles, je me lançais dans la lecture de ces lettres, pleine d'espoir, avec la peur de la déception. Je lus la première lettre debout devant la bibliothèque et compris très vite que j'allais devoir m'asseoir parce que je ne comptais pas lâcher les lettres de si tôt. Déjà à ce moment là, j'ai eu l'impression de me redécouvrir, de comprendre enfin ce que j'aimais dans ma solitude, pourquoi j'avais besoin d'écrire, quels étaient l'amour, la tristesse, la mort, et surtout, la vie... Je comprenais pourquoi j'étais là, que c'était à moi de rendre mon quotidien merveilleux en l'enrichissant de poésie, que chaque chose pouvait l'être si je lui donnais suffisamment d'importance. Les claques de ce genre se font trop rares selon moi pour ne pas me rappeler de tout ça.
Mais je l'ai relu cette nuit, j'ai deux ans de plus et le sentiment d'avoir encore plus apprécié, j'ai aussi l'impression que je pourrais le relire tous les jours, que je ne m'en lasserai jamais, que Rilke, en dix lettres, a donné des réponses à un tas de questions qui demeuraient difficiles, que chaque phrase de chacune de ces lettres est bonne à prendre, je n'ai pas l'impression qu'il y a un mot de trop. Je suis bien consciente que personne n'est invincible, qu'un écrivain est d'abord un être humain, et donc quelqu'un qui peut se tromper, qu'il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre, mais j'ai foi en Rilke et ses conseils. Et en écrivant ça je les suis déjà un peu. "Dites les pensées qui vous viennent, votre foi en une beauté. Dites tout cela avec une sincérité intime, tranquille et humble."
Je le conseille aux amoureux de l'écriture, ceux pour qui écrire est une nécessité, et je me plait à croire que j'en fais partie, je ne dis pas que je le fais bien mais je prends du plaisir à le faire et j'ai l'impression d'en avoir besoin en tout cas. C'est peut-être pour ça que ces lettres m'ont autant touchées. Néanmoins je le conseille à tout le monde, même ceux qui n'aiment pas lire. Je ne suis pas une grande lectrice moi-même, souvent déçue ou ennuyée par la littérature, mais ce livre est déjà une petite "réconciliation" avec elle. Il y a parfois des mots qui vous changent, on sous-estime beaucoup trop leur pouvoir, et ceux de Rilke arrivent peut-être à un bon moment dans ma vie, mais me touchent tellement
Je ne sais pas pourquoi je ne mets pas 10, peut-être que je me réserve en espérant que le reste de son oeuvre soit encore mieux, ce qui me paraît quand même difficile, mais pourquoi pas, tout est possible avec Rilke.
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