"Prière de ne pas se bercer d'illusions trop près du mur"
Boyhood m'a minée, complètement. Il m'a déprimée, je suis sortie du cinéma en ayant l'impression d'avoir une vie lourde, vide de sens, basique, normale, alors que j'attendais tout l'inverse. Je voulais me bercer d'illusions, je voulais avoir l'impression de vivre dans un monde merveilleux, fait de belles choses, petites et simples, mais belles, sortir avec une sensation de légèreté, une BO dans les oreilles, une réplique dans la tête, une sensation d'aimer la vie, pour les petites choses qu'elle nous offre. Je voulais voir un film avec la beauté photographique d'un A la merveille, la beauté anecdotique d'un Amélie Poulain, la beauté musicale d'un In the mood for love. Un film d'espoir, optimiste, sur la beauté de la vie. Je m'attendais à ça, avec la bande annonce, l'affiche surtout, le petit garçon couché qui a l'air de rêvasser, c'est l'impression qu'il me donnait, ça m'inspirait. Mais bon son rêve dure une minute. Le mien aussi.
Rilke disait "Fuyez les grand sujets pour ceux que votre quotidien vous offre. (...) Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l’accusez pas. Accusez-vous vous-même de ne pas être assez poète pour appeler à vous ses richesses. Pour le créateur rien n’est pauvre, il n’est pas de lieux pauvres, indifférents" Utiliser le temps qui passe, la vie, simplement, comme sujet, ça me paraissait déjà être une grande ambition. Le problème pour moi n'est pas dans le sujet, dans le fait qu'il ne se passe rien, ou que ce soit long. Le problème est que c'est long car ce film n'est pas poétique, il n'est pas là pour vous faire rêver, il n'est pas là pour vous dire à quel point la vie, sans artifices, est belle. Il n'est pas là pour vous enchanter. Le problème c'est qu'il est réaliste. Trop. Il rentre dans votre esprit, et vous enlève vos rêves, et vous invite à regarder la réalité en face.
La réalité de tous les jours, peut-être la vôtre, ou celle de vos voisins, peut-être celle d'un peu tout le monde. Celle qui comporte un père absent, une famille recomposée, des déménagements, un beau-père violent, la cruauté du collège, la recherche d'emploi, la mère aimante malchanceuse en amour, avec ses enfants, les factures à payer, qui finit par pleurer en se rendant compte qu'elle est vraiment toute seule, que le temps a défilé, que son enterrement n'est plus loin et qu'elle pensait qu'il y aurait plus de choses à vivre en fin de compte.
La réalité donc, mais c'est tout. La musique ne m'a pas marquée, le film m'a laissé pauvre d'images rêveuses, il ne se contemple pas. Il devient lourd, de par sa forme, de par son fond. Oui c'est la réalité, oui c'est la vie mais j'avais pas vraiment envie de voir ce que je vois tous les jours, au cinéma. Oui le fait que les acteurs qui grandissent soient les mêmes petits et grands ça fait vrai, on y croit encore plus, mais j'ai presque envie de dire, malheureusement.
7 parce que je note large, et pour les quelques jolies scènes, où le père joue de la guitare par exemple, qui m'ont donné quelques minutes de magie au moins sur les 2h45. Et puis au final, c'est pas mal, mais la déception a été grande, je voulais mettre un 10, pas un 7. Je voulais l'aimer ce film, intensément, je voulais vraiment.