Résumé
Le voyage de Persans en Europe et plus précisément à Paris donne l'occasion de commenter les mœurs françaises et persanes, dans une comparaison qui n'épargne aucun des deux peuples. Bien que la Perse soit probablement la moins bien dépeinte des deux nations au final. On pourra également y trouver une sorte de proto-féminisme, qui reste à nuancer cependant.
Détails
Usbek et Rica, deux Persans, sont donc à Paris pour une période d'un peu moins de dix ans. Les motifs de ce voyage semblent assez politiques et liés à la peur qu'Usbek nourrit vis à vis de certains princes perses. Cela donne l'occasion de multiplier les échanges épistolaires et les sujets. Si certaines lettres sont un peu répétitives, Montesquieu, parvient à faire de ces échanges un fil fictionnel bien mené, permettant de saisir les évolutions philosophiques des personnages.
Les critiques envers les religions et l'hypocrisie des hommes sont les points les plus intéressants du livre, et notamment les réflexions autour de cette quête de justice dont les hommes semblent capable de suivre s'ils l'assimilent à un de leur Dieu, mais qu'ils méprisent pourtant si facilement dans certains de leurs actes. Les nouvelles du sérail d'Usbek et des eunuques qui l'administre sont amenées de telle sorte que le développement des intrigues qui s'y tiennent tient plutôt bien en haleine et varie le registre des lettres.
Fait majeur de l'ouvrage, une dimension proto-féministe peut être accolée à certaines passages des lettres concernant le sérail. Bien que d'autres passages du livre affirmant la supériorité des hommes sur les femmes nuancent cette vision . Reste à savoir si le dénouement du livre permet de tourner en ridicule cette dernière affirmation ou si, plus probablement, Montesquieu conteste plus les excès d'Usbek et donc musulmans que le sexisme en général.
Enfin, Montesquieu s'attaque aux despotismes, aux errances monarchiques et aux abus de pouvoir. Les critiques ne sont pas toujours très bien argumentées, mais l'on comprend que la vertu est malmenée par les puissants, qui ne sont que trop guidés par l'avarice, la vantardise quand ils ne sont pas de surcroit de parfaits incompétents.
Certains passages sont moins précis, ou comporte des éléments assez médiocres, surtout pour une lecture contemporaine. Je pense notamment à ces descriptions très naturalisantes et donc essentialisantes des peuples. Ou encore à cette peur panique de la dépopulation, qui est toutefois plus aisé à comprendre quand on connait les guerres et autres épidémies qui secouaient le siècle.
Malheureusement, l'essentialisation des peuples n'est pas si dépassé que cela de nos jours, et les erreurs de Montesquieu sur la dépopulation terrestre, dont les hyperboles renforcent l'égarement, permettent d'observer qu'il y avait déjà des auteurs pour dire que la décadence nous guette et que c'était mieux en avant, et ce, dès le début du XVIIIème siècle
7,5/10