Monotone modernité

Le livre se présente comme une fresque sélective, s'arrêtant sur 4 moments (4 étés séparés par une période de 2 ans) de 3 adolescents (Anthony, Steph, Hacine).

D'une précision quasi sociologique sur leurs vies, le récit va également mettre en place une intrigue habilement filée, où les thèmes (la sexualité, la violence, l'alcool, la mort, l'ennui...) vont se fixer sur des lieux et des objets que l'on retrouvera sur toute la période (la moto, le lac, le père, l'Usine...). Bien qu'en apparence le contexte évolue, les personnages restent englués dans la chaleur étouffante d'une Lorraine abandonnée par la mondialisation.

Aux allures d'une tragédie familiale zolienne, ce n'est pourtant pas ici le sang des personnages qui est vicié : ce sont bien les rouages de la société et du modernisme, qui ont appauvri autant moralement qu'économiquement ces héritiers du prolétariat, sans repère idéologique, sans fraternité. Le vide de leur vie renvoie au nôtre, dont nous nous protégeons tant bien que mal par des biens matériels et des joies éphémères.

Leurs trajectoires dévient subtilement, mettant en évidence que le léger décalage des "starting blocks" sur la ligne de départ se traduit bien souvent par un véritable écart sur la ligne d'arrivée.

Enfin, l'auteur décrit à merveille ces lieux si reconnaissables de la classe moyenne péri-urbaine, avec ses ZAC, ses zones pavillonnaires, ses petites routes au milieu d'une campagne qui n'a plus rien de bucolique. Le lac, avec son eau huileuse et couleur pétrole, pourrait évoquer un trou noir attirant vers lui, implacablement, ceux et celles qui n'ont pas réussi à s'en éloigner.