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Si vous connaissez Lewis Carroll, vous savez qu’il est l’auteur d’Alice au pays des merveilles – probablement une des œuvres les plus adaptées / déconstruites / reconstruites / massacrées de l’histoire de la littérature, soit dit en passant. Si vous connaissez un peu Charles Dodgson (de son vrai nom), vous savez peut-être déjà qu’il était aussi, et entre autres, mathématicien, gaucher, bègue, photographe – ce qui n’est pas interdit – et amateur de portraits de petites filles – ce qui n’était certes pas interdit non plus, mais pas particulièrement sain pour autant.

Il me semble que ce n’est pas ici le lieu d’un long développement sur les causes possibles, les manifestations et les conséquences du goût de Carroll pour de tels portraits, mais enfin on ne peut pas ne pas le mentionner : cf. la célèbre photographie d’Alice Liddell en mendiante – l’inspiratrice de l’Alice du pays des merveilles, oui. Cette image est un matériau de choix pour quiconque envisage les rapports triangulaires entre ce que le modèle entend dégager, ce que le photographe souhaite garder du modèle et ce que le spectateur voit de tout cela (1).

Autant le préciser, toutes les photos de Lewis Carroll présentées ici, il y en a une soixantaine, ne sont pas aussi riches que ce portrait. Ni aussi dérangeantes, ce qui n’est pas une mauvaise nouvelle. En revanche, toutes sentent à plein nez le victorianisme (Lewis Carroll : 1832-1898 ; règne de Victoria : 1837-1901). Mais s’il y a dans cela quelque chose de documentaire, c’est malgré le photographe : on n’a pas un photographe qui souhaite témoigner sur son temps, mais un représentant de la upper class cultivée qui pratique entre 1856 et 1880 une activité mondaine.

Ladite activité, d’ailleurs, est à cette époque encore très tributaire de la peinture : les photographies sont mises en scène, composées comme des tableaux, les temps d’exposition particulièrement longs ne permettant d’ailleurs pas de faire autrement. Et pour le coup, compte tenu des possibilités techniques dont disposait Lewis Carroll, les photographies réunies dans ce volume sont d’une part très propres techniquement, d’autre part relativement vivantes.

Cela n’en fait pas systématiquement des chefs-d’œuvre, mais enfin elles méritent d’être regardées de temps en temps. En tout cas, davantage que la préface ne mérite d’être lue.


(1) Une remarque en passant, que je n’ai pas réussi à inclure dans le corps de cette critique : la plupart des commentateurs soulignent l’allure aguicheuse d’Alice sur cette fameuse photo. (Les plus maladroits laissent entendre qu’Alice aguiche de son plein gré, et c’est limite si les plus stupides ne la qualifient pas de petite allumeuse.) À ma connaissance, aucun n’insiste beaucoup – si ce n’est pour mettre cela sur le compte de conventions victoriennes commodes – sur le fait qu’elle soit déguisée en mendiante, et qu’ainsi se manifeste une forme de tourisme de classe tout à fait dégradante pour les pauvres authentiques.

Alcofribas
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le 16 août 2023

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Alcofribas

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