Libra
7.7
Libra

livre de Don DeLillo (1988)

La postface de l'auteur clarifie complètement le propos. C'est un livre qui propose une relecture de l'assassinat de Kennedy, vu à travers différents acteurs (des gars de la C.I.A. qui ne se remettent pas de la Baie des Cochons, Jack Ruby...), mais en ce centrant principalement sur Lee Harvey Oswald. Delillo dit expressément s'être inspiré de ce que l'on sait, mais en cherchant, par un travail de romancier, à y donner une cohérence qui manque aux faits connus. Il dénie à son ouvrage toute valeur historique, au profit d'un exercice littéraire pur.


L'ouvrage remonte jusqu'à l'enfance de Lee et c'est au fonds le roman de Delillo le plus linéaire dans sa narration, à défaut d'être le plus facile à suivre, eu égard au grand nombre de personnages mentionnés.


Oswald est montré dans sa complexité. Son nom change en fonction des personnes qui le côtoient, et il dégage des impressions très différentes sur les différentes photos que l'on voit de lui. Personnalité fragile, souvent humilié, en quête de pureté, mais aussi d'une forme de reconnaissance terrible, on suit son parcours dans son voyage en URSS, ses relations conjugales désastreuses, la manière dont il reste perpétuellement en marge de la société, sa dyslexie, sa soif de savoir malgré tout, sa naïveté, sa soif d'action et son impuissance, tout cela le rend assez attachant. La galaxie de personnages secondaires gravitant autour des services secrets ou du FBI est peut-être présentée de manière plus convenue, mais fait bien revivre la culture de l'époque.


La fin compte de nombreux grands moments. On y trouve un ralenti littéraire très dense au moment de l'attentat, que peu d'écrivains auraient réussi comme Delillo et sa sensibilité éminemment cinématographique. On y trouve aussi une réflexion sur la mythification de l'événement, avec ce personnage d'historien dépouillant les sources, pléthoriques, et constatant que les recherches sur l'attentat de Dallas deviennent un monde en soi, autonome de l'événement lui-même. Enfin, le livre se conclue sur l'enterrement de Lee, vu à travers les yeux de sa mère, en un morceau littéraire qui hésite entre focalisation externe et monologue intérieur.


Libra n'est sans doute pas le livre le plus révolutionnaire de Delillo mais c'est un grand roman, qui renvoie encore une fois l'Amérique à son propre reflet. C'est une radiographie des Etats-Unis de ces années-là.

zardoz6704
8
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le 5 oct. 2019

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