Je ne peux parler de Faulkner de façon structurée. Je ne peux en parler sans me rappeler des frissonnements et des palpitations dans les doigts qui tiennent le livre et qui remontent jusque dans ma trachée, ma trachée, qui se contracte dans l'avalement insoutenable de la tragédie humaine et du langage de cette tragédie.
La langue de Faulkner est un jaillissement. Jaillissement de lumières, de sons, myriades de sons, jaillissement de poussière soulevée par le sabot des chevaux aux yeux exorbités, jaillissement d'images qui marquent à tout jamais, et jaillissement répété, répété, répété. L'éternel retour de la tragédie humaine. L'éternel retour de la courbure de l'homme sous le poids de sa tragédie. Poids que porte la femme dans son ventre gros. Poids que porte l'homme dans son sang noir. Poids du livre sacré que porte un autre, et qui traine dans la poussière et dans la pourriture.
Je ne peux pas parler de Faulkner de façon censée. Peut-être me faudra-t-il digérer tout cela. Digérer toutes ces images. Car j'ai pour l'instant les yeux exorbités, et l'échine courbée sous le poids de la fatalité révélée.