Un premier roman que confirmeront les suivants : Vincent Almendros écrit simple tout en étant littéraire. Une qualité rare. Je découvre celui-ci après avoir lu les deux autres, peut-être encore meilleurs.


Le narrateur, 25 ans, est tombé amoureux de son élève, Lise, issue d'un milieu nanti. Ce qu'il aime, c'est cette légèreté, cette grâce, cette aisance en toute chose que sa propre enfance ne lui a pas accordée. Le narrateur a plutôt connu une HLM en bordure de voie ferrée, dont le bruit est élevé au rang de symbole de la misère sociale. J'ai pensé au merveilleux Ivresse de la métamorphose, de Stefan Zweig, où l'héroïne est tirée de sa dure condition le temps d'un été dans un palace en Suisse, découvrant avec ébahissement la douceur d'être riche. Page 97, juste après que Lise a coupé la tête d'un serpent :



Et si j'étais jaloux, n'était-ce pas au fond de l'enfance qu'elle avait eue ? (...) Et observant Lise sous cette lumière nouvelle, son couteau à la main, je me demandais finalement si ce n'était pas cela que j'étais venu chercher en elle, l'insane possibilité de recommencer mon enfance, ou ma vie, loin du chaos.



Le narrateur n'a pour lui que sa culture et le fait de savoir se lever le tôt le matin : c'est sur le petit déjeuner matinal ou sur l'étymologie des mots (en particulier sur l'étymologie du mot étymologie !) qu'il se confronte au père de Lise, Jean Delabaere, qui a fait fortune dans le plastique.


Pour Lise, tout est jeu et, par chance, l'amour en fait partie. Page 52 :



Je vais faire un tour en forêt, annonçai-je solennellement, qui m'aime me suive ! Lise se leva d'un bond, et après avoir ôté ses lunettes, me rattrapa à petits pas sautillants, s'approcha de mon oreille et y susurra qu'elle ne m'aimait pas mais qu'elle voulait bien faire un tour en forêt si on y trouvait des sangliers.



Vincent Almendros ne tombe pas dans le scabreux, façon Lolita. Il nous décrit cette relation par petites touches, juste un baiser, une cuisse effleurée, l'émoi d'un bras sur lui lorsqu'il se réveille qui allume son désir pour Camille, la copine de classe dans tous les sens du mot.


Mais tout cela n'était qu'un rêve, Lise cesse de l'aimer, ou plutôt "elle m'aimait moins" : la phrase est caractéristique du ton de ce roman, qui procède par évanouissements progressifs plutôt que par rupture. D'où le dernier jeu de mots, enlisement, parfaitement pertinent.


7,5

Jduvi
7
Écrit par

Créée

le 28 août 2021

Critique lue 76 fois

Jduvi

Écrit par

Critique lue 76 fois

D'autres avis sur Ma chère Lise

Ma chère Lise
Jduvi
7

Enlisement

Un premier roman que confirmeront les suivants : Vincent Almendros écrit simple tout en étant littéraire. Une qualité rare. Je découvre celui-ci après avoir lu les deux autres, peut-être encore...

le 28 août 2021

Ma chère Lise
Quantum
7

Lisez Lise !!

N'ayant pas un sens inné de la critique littéraire, je vais faire court. Vincent Almendros flirt, à la première personne, avec le thème de la Lolita. C'est tout à la fois cruel et plein d'humour,...

le 27 mars 2013

Ma chère Lise
Ninaintherain
7

Critique de Ma chère Lise par Nina in the rain

Typiquement un roman à lire un jour férié dans son lit : c'est tout doux, tout gentil, ça se déroule comme un fleuve du début à la fin de l'histoire et ça ne finit ni bien, ni mal, comme dans la...

le 27 mars 2012

Du même critique

R.M.N.
Jduvi
8

La bête humaine

[Critique à lire après avoir vu le film]Il paraît qu’un titre abscons peut être un handicap pour le succès d’un film ? J’avais, pour ma part, suffisamment apprécié les derniers films de Cristian...

le 6 oct. 2023

21 j'aime

5

Gloria Mundi
Jduvi
6

Un film ou un tract ?

Les Belges ont les frères Dardenne, les veinards. Les Anglais ont Ken Loach, c'est un peu moins bien. Nous, nous avons Robert Guédiguian, c'est encore un peu moins bien. Les deux derniers ont bien...

le 4 déc. 2019

17 j'aime

10

Le mal n'existe pas
Jduvi
7

Les maladroits

Voilà un film déconcertant. L'argument : un père et sa fille vivent au milieu des bois. Takumi est une sorte d'homme à tout faire pour ce village d'une contrée reculée. Hana est à l'école primaire,...

le 17 janv. 2024

16 j'aime

3