Sarah Bernhardt est sans doute - avec Joséphine Baker - l'artiste de scène française la plus connue et la plus méconnue à la fois.
Figure dominante du théâtre dans la seconde moitié du XIXème siècle et ma première moitié du suivant, Sarah Bernhardt fut non seulement une grande actrice, tragédienne et comédienne, mais encore une artiste aussi complète qu'on puisse l'imaginer : sculpteuse, peintre, exploratrice, dramaturge mais aussi écrivain. "Ma double vie" est son autobiographie.
La vie de Sarah Bernhardt, qui fut sans doute la femme la plus populaire de son époque, en France comme à l'étranger, est stupéfiante, captivante, impressionnante d'événements et de talent. Telle une star hollywoodienne avant l'heure, elle fut - contre son gré - la proie des journalistes et des hommes d'affaires. Egérie de la France, elle fut son ambassadrice des arts jusqu'aux Etats-Unis où elle effectua plusieurs tournées aussi aventureuses qu'épuisantes. de constitution fragile, blâmée et raillée pour sa maigreur en un temps pas si lointain où l'embonpoint allié à une taille de guêpe représentait le canon féminin par excellence, Sarah Bernhardt fut une femme de tête au tempérament bien trempé qui affronta l'opinion publique pour imposer ses vues, ses idées et ses projets. Amoureuse du public qui lui rendait son amour au centuple, elle devint rapidement une véritable mascotte médiatique unanimement adulée.
Issue d'un milieu bourgeois nanti, sa vocation lui a été imposée par son entourage afin de suppléer à une impossibilité d'hériter des biens paternels et sa carrière d'actrice eut donc d'abord un objectif pragmatique : celui de subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa parentèle. Mais la jeune Sarah a une voix unique, une spontanéité inégalée, un tempérament de diva ou de reine, un charme enjôleur, une présence sur scène qui émeut. Elle se distingue et le succès est au rendez-vous malgré son indépendance et sa fantaisie affichées et assumées.
Ses mémoires sont un régal à lire de par leur style et leur contenu narratif. Humour, facétie, introspection, opinions politique, économique et sociale, Sarah Bernhardt confie tout par le menu avec un sens aigu de l'analyse, ne passant sous un silence pudique qu'un seul aspect de son existence : sa vie sentimentale et la naissance de son fils naturel.
Je retiendrai de cette découverte littéraire un très grand plaisir de lectrice, doublé du sentiment de fierté qu'une égérie française telle que Sarah Bernhardt témoignât en son temp de la volonté d'indépendance et de l'intelligence féminines, si longtemps niées et bafouées par les hommes.