Incontournable Septembre 2023
On avait adoré le premier recueil de la maison La Bagnole sur les "premières fois" sexuelles, maintenant voici celui sur les premières menstruations!
Petite mise en contexte qui peut avoir sa pertinence: Au Québec, on a connu historiquement une période d'obscurantisme sur la question de la sexualité, et donc aussi sur la question de la puberté. Une époque où on ne parlait tout simplement PAS de menstruations, de contraceptions ou de sexualité. Être menstruée, c'était sale, c'était tabou. Imaginez un peu la terreur des jeunes filles qui devaient gérer des pertes sanguines sans avoir la moindre idée de ce qui leur arrivait, pour finalement apprendre que c'est le lot de près de la moitié des humains sur Terre? Imaginez une époque où on apprenait aux filles à craindre leur corps, en leur attribuant notamment la pression d'être chaste, exempte de masturbation ou pire, d'être la raison du péché de luxure des hommes? Ça ne fait pas si longtemps, au Québec qu'on en parle, de la sexualité et des menstruations. Les récits du présents recueil ont été élaborées par des femmes entre 35-45 ans, environ, donc leur adolescence se situe dans les années 1980-1990. Et même durant ces années, il y a eu des ratés, de fausses croyances, des idées reçues et un certain manque de détails importants sur la question des menstruations.
Donc, ici, l'idée est d'en parler, de donner la tribune a des personnages autobiographiques ou librement inspirés du vécu des autrices sur ce sujet. Avez-vous remarquez à quel point on n'entend à peine parler des menstruations dans les fictions des romans? Pourtant, une très large proportion de romans sont axés sur des héroïnes pubères. Les romans sur les vampires prendraient une toute autre dimension, d'ailleurs! Mais c'est quand même déconcertant qu'un aspect aussi naturel et universel que des menstruations soient aussi peu représentés dans la culture. Qu'à cela ne tienne!
Huit nouvelles, huit histoires différentes avec chacune leur humour, leur réalité et leurs enjeux. Certaines se heurtent à des complications matérielles ( souvent les tampons ou les serviettes) alors que pour d'autres, c'est toute la question de "devenir femme" qui rend anxieuse, une notion assez floue qui ne saurait se limiter qu'à la seule puberté. Il y a toute la dimension psychologique qui reste peu abordée cet enjeu précis. Avec les menstruations viennent aussi certains enjeux: la sexualisation du corps féminin, la contraception ( qui repose encore beaucoup sur les femmes) , les douleurs ( notamment le syndrome prémenstruel) et même le rapport à la norme ( notamment les filles hâtives et tardives sur leurs règles).
À travers le recueil, vous trouverez deux éléments supplémentaires: D'abord, des petites phrases ou expressions entourant les menstruations, tels que "avoir ses ourses", "les anglais débarquent", "être indisposée", "avoir ses règles", etc. Certaines expressions peuvent dater quelque peu et sont peut-être très propres au Québec. Ensuite, on retrouvera de petites chroniques courtes sur des croyances, des faits historiques ou de vieilles fausses nouvelles sur les menstruations. Si elles font souvent rire, elles marquent aussi l'ampleur de la m.connaissance du sujet, à travers les âges, mais aussi à travers les cultures. Et sans trop m'étonner, il y avait et y a encore beaucoup de négativité autours des menstruations.
Voici les infos exhaustives sur chacune de ces nouvelles:
Avec Julie Champagne, [ Les parapluies] il est question de devenir "parapluie", un code secret qu'avait les filles pour désigner les menstruations. Dans cette nouvelle, la jeune fille est encore en 5e année primaire (10-11 ans) quand elle devient menstruée. Ça la choque, d'abord parce que son sang est brun ( et non rouge) et qu'elle ne comprend pas trop ce que ça implique, en fait. Quand sa mère la rejoint pour lui expliquer que "ton corps peut faire des bébés", "tu es devenue une femme" et autres joyeuses vérités, elle ne sent pas du tout prête à devoir gérer tout ça. Surtout que son corps ne lui semble pas devenue si " femme" que ça. Et puis, au fond, tant pis, si elle ne sent pas encore prête à "devenir ado", ça ne la regarde qu'elle!
Avec Carolanne Faucher [ Sundae au fraises], une joueuse de soccer, Jen, en pleine routine de match se fait demandé un tampon par une joueuse qui se fait surprendre par ses menstruations. Jen est la dernière dans le vestiaire, mais n'ayant jamais eu ses règles malgré ses seize ans, elle n'a pas de protections. Sa mère lui a bien laissé une "trousse de secours", mais il s'agit d'une énorme serviette sanitaire très épaisse. S'en suit tout un branle-bas de combat pour trouver des tampons dans le casier d'une autre joueuse. Si Sab est rassurée d'avoir pu compter sur Jen, celle-ci se fait rassurer qu'en à son absence de menstruations: Ça finira bien par arriver un jour, d'ici là, autant en profiter!
Avec Stephie Mazunia [ Au secours, je vais mourir!], nous sommes au Burundi, en Afrique. Une jeune fille découvre qu'elle saigne en allant aux toilettes ( elle a cru s'être fait un peu pipi dessus) et pense donc qu'elle doit aller à l'hopital. Heureusement, son père la rassure en arrivant à l'école pour venir la chercher en lui expliquant qu'il s'agit d'un signe de puberté chez les femmes. En voulant bien faire, il lui a acheté des protections, mais plutôt qu'une serviette sanitaire normale, il lui achète les protections très épaisses pour les femmes ayant accouché. Ça bien rire sa "tante", d'ailleurs. Après un rituel ( à la science questionnable), voilà que sa maman lui explique que si elle "touche un garçon" elle tombera enceinte que les menstruations sont un écho de la douleur d'un accouchement. Notre héroine met alors une croix sur l'un et l'autre. Bien sur, elle ne peut pas éviter tous les hommes et garçons indéfiniment! Heureusement, la maman corrige le tir en lui signifiant qu'il faut un rapport sexuel pour tomber enceinte. Enfin, avec l'anecdote de la piscine, il est question du tampon, qui "dévierge" les filles ( faux) et aussi de comment l'utiliser, ce qui se solde en multiples problèmes du fait de ne pas avoir comment l'utiliser correctement. La nouvelle se clôture sur la difficulté des filles burundaises de se procurer des commodités sanitaires et le manque d'explication autours des menstruations, ce qui peut résulter de craintes et de confusion autours de ce sujet.
Avec Cathon [ Bonsoir, je saigne abondamment!] on a une BD! Yeah! C'est une sorte de pot-pourris de petites anecdotes sur la difficulté de mettre des tampons, du fait qu'elle a attendu longtemps pour avoir des conseils à ce sujet, ainsi que de sa fierté d'avoir été la première personne avertie par sa petite soeur qu,elle avait ses premières règles. On y voit aussi certains petits témoignages de ses proches amies, que la rédaction de cette présente BD lui avait fait réalisé n'avoir jamais demandé les détails de leurs premières règles. Une Bd rigolote pleine et pleine de conseils.
Avec Camille Paré-Poirier [ Qu'est-ce que ça veut dire, être normale?], nous avons Judith, 13 ans, qui apprend souffrir d'une cyphose, une courbure lombaire ressortie qui engendre des douleurs au dos et qui requiert, du moins dans son cas, d'un corset orthopédique qui "encage" son torse des épaules à la taille. Judith ne le vit pas très bien, elle se sent différente et cherche a cacher ce corset. Les choses vont changer quand elle se fait demandé par Catherine L accès à la toilette des profs, un privilège qu'à Judith du fait de son corset qui requiert du temps à enfiler et une place pour le poser. Catherine a un rond de sang sur sa jupe, chose qui ne serait peut-être pas si grosse si son prof lui avait permit d'aller aux toilettes. Hélas, le prof a cru que cela concernait sa vessie, sans penser que ce pouvait être une urgence menstruelle. Judith se retrouve avec Catherine dans la toilette, à aider Catherine avec son incident. Les deux jeunes femmes en viennent a aborder leur différence: Judith, avec son corset et ses règles toujours pas arrivés, Catherine avec ses règles arrivés vraiment très tôt. À 7 ans. Dès lors, on ne l,a plus considérée comme une petite fille, ce qui vient avec son lot d'enjeux. Une belle histoire sur l'importance de s'aimer soi-même et aussi de se montrer solidaires entre filles.
Avec Marie Demers [ Pétard Mouillé], nous suivons une presqu'ado qui a très hâte de devenir femme pour avoir les privilèges qui vont avec. Une hâte aussi motivée par la différence de traitement entre ses deux frères aînés et elle. Une hâte qui la pousse a mentir aux sujet de ses règles, de prétendre en avoir et même de se placer comme spécialiste sur la question. Mais quand elles arriveront véritablement, il y aura des déceptions. le traitement à son endroit n'est peut-être pas tant du à son âge qu'à son genre, finalement. Un des aspect intéressant est justement dans la hâtivité déçue: Devenir "femme" ce n'est pas juste d'avoir ses règles, c'est bien d'autres choses, qui ne viennent pas en paquet comme un gros feu d'artifice. C'est un processus, bien plus qu'une transformation spontanée.
Avec Lily Pinsonneault [ le Secret], il est question d'une ado en randonnée avec sa famille, qui vit une journée difficile, dont la source est difficile à déterminer. Avec elle, on voit le mal être qu'on certaines ados avec l'arrivé de leurs menstruations, ce "flou" dans la tête, cette humeur maussade et cette envie de rester bien tranquille. Pour Lily, ce fut une journée où elle se sentait incomprise et seule, aà jongler avec ses premières règles dans l'anonymat, dans le secret. C'est sa tante qui sera finalement l'adulte présente pour elle et légitimer son ressenti.
Enfin, avec Geneviève Morin, il est question d'une adolescente au sein d'une sororité de trois filles, et dont elle est la cadette. Elle a une maman au tempérament explosif, et qui peut semblé rude quelques fois. Seulement, notre ado doit absolument en parler: ses règles la font souffrir, malgré tous les remèdes de confort qu'elle puisse essayer. Quand elle en fait part à sa mère, celle-ci a tout de même le bon sens de la faire consulter une médecin. C'est elle qui va prescrire la pilule contraceptive, qui, contrairement à la croyance populaire, n'est pas seulement utilisée pour la contraception, mais aussi dans certains cas où les douleurs sont importantes et le cycle instable, car la pilule agit en régularisant le cycle menstruel. Et il y a dans cette nouvelles quelques remises à l'heure sur les croyances de la maman.
J'aurais définitivement aimé lire ce recueil quand j'étais ado, non pas que ma propre histoire de premières menstruations soit notable ( de fut même bien banal, et c,est tant mieux!) , mais de voir la diversité menstruelle , ainsi que certains enjeux liés aux menstruations chez d'autres filles, je trouve cela important. Comme certains personnages ( réelles ou fictives) l'ont signalé dans ce recueil, les règles, c'est aussi une affaire de solidarité féminine. On est toutes dans le même bateau, on trouve ça toutes contraignant, dans une certaine mesure, alors avoir la sensibilité de s'informer et de prendre acte des réalités d'autrui, je juge cela élémentaire, surtout que les menstruations restent encore un enjeu social aujourd'hui même. Il y a encore des tabous, des malaises et un manque à combler sur l'accès aux commodités sanitaires, selon les milieux et selon les régions.
J'ai beaucoup aimé la diversité des histories, certaines très crues, d'autres très touchantes. C'est ce que j'apprécie des recueils de nouvelles sur un thème commun, on peut apprécier l'éventail de perceptives et de points de vue des autrices sur le sujet bien plus facilement. Leur ton varie, leurs enjeux divergent et se ressemblent tout à la fois, avec nuances. Il fait cependant que je précise que ces ados là sont d'une génération différente de la présente, mais à n'en pas douter , certaines réalités sont encore présentes.
Puisque nous avons un recueil sur les premières menstruations pour les filles, ce serait bien d'en avoir un équivalent pour nos ados gars, sur leur puberté.
Les pages de garde sont recouvertes de petites culottes de toute sorte avec des tâches rouges. Ça peut sembler anodin, mais quand on pense que même les pub de serviettes sanitaires n'utilisent pas le rouge, je me dis que ces pages de garde sont plus audacieuse qu'on le pense!
Pour un lectorat adolescent du premier cycle secondaire, 12-15 ans+ **Je pense que les 10-12 ans ne devraient pas avoir de soucis avec cette lecture, surtout les filles du 3 cycle primaire sont de plus en plus concernées par le sujet elles-aussi. Ce pourrait constituer une belle entrée en la matière et le recueil est accessible sur l'écriture autant que sur le sujet.
Attention: Ce livre peut contenir du sang.( Tel qu'indiqué sur la couverture)