Incontournable Septembre 2022



Je remercie la maison La Bagnole pour l'envoi de ce service de presse.



Version courte:


Alors qu'il est manifeste que nos ados se rivent sur les romans porno ou érotique pour s'émoustiller, je me faisais la réflexion que si c'est sans doute normal ( C'est intriguant se découvrir une sexualité, pour la plupart d'entre eux), c'est aussi inquiétant que ce soit les romans ayant les relations sexuelles et relationnelles les plus dangereuses, toxiques et révoltantes qui gagnent en popularité chez nos ados, même les plus jeunes. Heureusement, au Québec, je constate que des auteurs jeunesse se sont donner le mandat de parler ouvertement de sexualité, spécifiquement sur les "premières fois", dans ce recueil de nouvelles aussi drôle que pertinent. Vous y trouverez toute sorte de premières fois, du baiser à la masturbation, de la relation complète à la relation complète sans pénétration, de l'échec cuisant à la découverte jouissive, en passant par les préjugés de genre, les détails jamais évoqués, la contraception et l'anxiété entourant la découverte de la sexualité. Vous êtes prévenus: Y a TOUS les détails. Traité avec sensibilité, humour et justesse, ces nouvelles nous donne une heure bien plus juste et réaliste que tous ces romans adultes bourrés de fantasmes nocifs et de gros stéréotypes hétéronormés. Un livre conçu pour nos ados, par des hommes et des femmes qui nous révèlent toute sorte d'anecdotes sur ce qui a longtemps été un énorme tabou au Québec, j'ai nommé, la sexualité.



Version exhaustive:


Voici les histoires que vous trouverez dans le roman, avec leurs thèmes, leur traitement et leur personnage.



"Hugo Nguyen" ( Édith Chouinard): C'est le récit d'une jeune fille, qui a décidé que "ça se passe ce soir!". Elle s'est activement préparée: choix de culotte, épilation funky, crème pour la peau, elle s'est scruté sous tous les angles avant d'aller au party rejoindre sa fréquentation du moment, Hugo Nguyen. Nadine a beau se convaincre qu'elle est prête, quand elle gagne la chambre des parents de sa meilleure amie avec son copain, rien ne va comme prévu. Tout est machinal dans leurs gestes, mais surtout, quand Hugo en arrive à la pénétrer, Nadine a de grosses douleurs. L'extase et la complicité qu'elle avait espéré n'est pas au rendez-vous. Quand elle souhaite partir du party, elle est bloquée par sa meilleure amie ( et aussi par l'auto qui bloque le passage de la sienne). Honnêtement, j'adore ce personnage ( Anaïs), qui a été la première à rappeler à Nadine qu'elle n,avais pas à se presser côté sexe, et a été la première à venir la réconforter. Ça c'est de l'amitié! Mais la surprise de cette histoire réside dans la personne d'Hugo, le gars, qui ne sera pas sauvé, comme l'avais pensé Nadine. Non, il l'aura rattrapée dans son auto et lui aura tenu une réelle discussion au sujet "d'eux" et pour citer ses mots: "J"aimerais mieux apprendre à te connaître avant...d'aller plus loin". Avant d'agiter les clés du véhicule stationné juste derrière celui de Nadine et qui bloque le chemin...



"Rouler un 1"(Jérémie Larouche): Humoriste amateur de chips de ketchups de 38 ans, Jérémie nous ram;ne à l'époque de sa jeune adolescence, qui nous raconte, entre deux constats, que sa "première fois", pour lui, fut son premier baiser. Ombre au tableau: il ne l'avait pas demandé. L'auteur nous ramène dans les années 90, où la masculinité toxique n'était pas contestée et où un "gars devait se déniaiser", autrement dit, prendre les devants, en matière de filles. Une perceptive intéressante, parce que si ça ne fait un peu moins de trente ans, le décalage en matière de rapport de genre est impressionnante. Il est également très intéressant d'avoir la perceptive d'un gars , surtout un gars qui a été marqué par un acte non-consentant. Accessoirement, ce fut une lecture amusante, au rythme de chansons des années 80.



"Toujours prêt" ( Alexandra Larochelle): Une adolescente de 16 ans connait la grande joie de recevoir son père dans sa chambre pour lui offrir une boite de condoms et lui affirmer que "les gars, c,est toujours prêts" et qu'ils sauteront tous sur l'occasion de s'envoyer en l'air rapidement. Cependant, quand elle déclare à Fred, son copain, qu'elle a envie de lui, c'est Fred lui-même qui fait volte-face. Déconfite, elle se tourne vers sa cousine, qui est dans la vingtaine, histoire d'en discuter. Celle-ci évoque le fait que les gars aussi connaissent des angoisses et du stress face aux premières fois, que ce soit la peur de ne pas avoir d'érection, de faire mal à leur partenaire, de ne pas être à la hauteur, ou tous ça en même temps ( ne manque le fait que certains gars ne sont tout simplement pas très portés sur le sexe). Plus loin, elle finit par avoir un moment avec son copain, mais contrairement aux idées préconçue au sujet de la pénétration comme ultime instrument de jouissance, c'est d'une autre façon que le gars comble sa copine. Vraiment mignon.



"Ceci n'est pas une pipe"( Nicolas Michon): Sans aucuns doute la nouvelle LA plus explicite du lot ( mais aussi la plus hilarante), Jung-Woo et Mikael nous offre un "moment. plutôt intense entre deux gars. Ils venaient de se baigner dans la piscine et s'offrir des Doritos, voilà Jung-Woo devant Mikael, pour sa première pipe ( celle qui ne se fume pas, hein!). Bon, bon, je ne vais pas entrer dans les détails techniques, parce que ouf! C'est pas mal croustillant. Heu...plutôt humide en fait, avec tous ces fluides ( ça, je dois dire que mon écoeurantite/dégoût des fluides corporel n'a pas aidé). Mais ils ont pratiquement tout essayer, du moins, ils se sont pas gênés pour essayer des choses et ils communiquaient plutôt bien, en faut. C'était quelque peu triste , néanmoins, cette façon de faire du déni sur leur affection l'un pour l'autre, alors qu'ils donnent l'impression d'être des gay placardisés et même en couple avec des filles. On peut dire qu'ils ont passé un bon moment, nous ont donné beaucoup de contenu sur "quoi faire avec le corps de l'autre". Cette nouvelle est très orale ( oh, le jeu de mot salace) avec beaucoup de français québecois familier, des anglicismes ( pas toujours ben beaux) et nombre de références culturelles ( le stress pouss Jung-Woo a parler de films). Fait notable, je pense que toutes ses barres obliques représentent la respiration du personnage qui raconte ( Jung-Woo). Une nouvelle qui commence exactement comme elle finit: avec Jung-Woo qui s'aprête à faire sa première fellation ( il a pas osé jusqu'à la fin).



"Un saut dans l'inconnu" ( Vanessa Duchel): Nous présente une jeune femme qui aimerait avoir une relation sexuelle avec une femme. Elle nous racontera, avec sensibilité, son émancipation à travers son orientation sexuelle. Il lui aura fallut quatre femmes dans sa vie avant d'avoir sa première relations sexuelle. Avant, elle doutais beaucoup et avait du mal avec son corps. Elle semblait avoir du mal à penser que son corps pouvait être désiré. Il lui aura fallut du temps et beaucoup d'introspection, tout en prenant un peu de chaque relation pour progresser.



"La grande migration des oiseaux dodus" ( Olivier Simard): Victor découvre la masturbation, mais l’exerce de manière assidue, en cachette, avec toutes sorte de fantasmes, un pot de vaseline et des mouchoirs en papier. La masturbation n'ayant pas toujours été normalisée auprès des ados, il y a donc eu des générations pour en douter et penser qu'ils dont quelque chose de "dégueulasse" ou "pas correct". Quoi que son ami Mathias n'a pas l'air de faire parti de cette catégorie. Enfin, bref, c'est une tranche-de-vie sur un jeune de 14 ans et ses premières expériences avec lui-même.



"Ma première( biffé) fois" ( Laurence Beaudoin-Massé): Une jeune femme cherche désespérément le grand amour, " qui allait me libérer d'une vie morne et décevante, du moins je l'espérais". Elle se considère "grosse" et doute de son charme, malgré son avis contraire quand elle sera plus âgée. Mais là, devenue cégépienne, elle cherche. Cette soirée là, elle rencontre Adam, avec qui la chimie n'est pas au rendez-vous. Pourtant, elle accepte d'aller dans sa chambre étudiante et sait que ça va finir en coucherie. Ce qu'elle ignore cependant, c'est que même en ayant lu des romans romantiques, même en sachant "quoi faire", même avec de la motivation, sans désir et sans attache, parfois, c'est le flop assuré. Même la pénétration ne lui fait aucuns effet. La jeune femme croyait "au moins régler la question de sa virginité", comme un coche une case sur une liste d'épicerie, mais elle le regrette. Ce ne fut pas plaisant. Heureusement, elle peut aller trouver réconfort chez sa meilleure amie.



"Chouchounette, ma foi et moi" ( Schelby Jean-Baptiste) : Nous présente une jeune fille qui est de confession chrétienne et pour qui, la masturbation féminine semblait, au départ, quelque chose que ne font pas "les bonnes filles". Mais progressivement, et c'est bien là le mot clé, elle va prendre conscience que la sexualité commence souvent avec soi. Avec un esprit de découverte qui s'équilibrera avec ses croyances protestantes, la narratrice apprivoise "chouchounette", cette part mystérieuse d'elle qu'elle aimerait bien explorer. Comme quoi religion et sexualité ne sont pas incompatibles. Sauf que c,est difficile de se prendre un moment avec soi dans un appartement si peuplé! L'autre mot clé, les amis, "Processus", qui varie pour chacun d'entre nous.



"La triste histoire de ma virginité" ( Pierre-Yves Villeneuve) : Nous livre l'histoire de Pierre-Yves, qui était du genre timide et qui n'avais manifestement pas l'aisance de certains gars en matière de sexualité. Quand il fait la connaissance de Catherine, il croit avoir son premier gros béguin. Ils finissent par en arriver à sa chambre, que Catherine a aussitôt demandé à voir quand elle a été invitée. Et là, elle lui demande de but en blanc s'il veut "baiser". Pour le jeune homme, c'est la cassure. Il n'est ni à l'aise, ni excité. Pour lui, semble-t-il, "faire l'amour" est plus dans ses souhaits, avec une personne qu'il a en affection, genre sa blonde. Mais quand il lui demande si elle veut devenir sa copine, Catherine réplique que c'est un "one night" qu'elle espérait. Il "souffre comme seul un ado amoureux peut souffrir" avant de retenter avec Catherine, lorsqu'il l'invite au bal. Celle-ci a manifestement d'autres plans avec cette histoire de bal, ce qui plonge notre jeune homme dans une nouvelle peine. Jusqu'à ce qu'il fasse la connaissance, quelques semaines plus tard, de Marie-Noëlle, sa "première".



J'ai trouvé le tout étonnamment divertissant tout en étant comique, touchant et auquel on peut se référer. La grande force des auteurs et autrices du Québec, il me semble, réside dans leur traitement sensible et terre-à-terre des sujets importants, sans faire dans l'improbable, grandiose et lourd traitement des auteurs des États-Unis en matière de sujets sociaux. Pas besoin de surenchérir à outrance, autrement on ne se sent ni concernés, ni informés. Alors merci à nos auteurs pour leurs récits transparents, humbles, diversifiés et réalistes. C'est le genre de roman que j'aurais aimé lire, durant mon adolescence.



Pour un lectorat adolescent du second cycle secondaire, 15 ans+ ( où les ados précoces qui s'intéresse activement à la sexualité, ainsi que les adultes, bien sur).

Shaynning

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