Etre personnage de Stephen King, ce n'est vraiment pas une sinécure ! En général, les écrivains sont rarement tendres avec leurs personnages, mais le grand auteur américain ne prend pas de pincettes. Il adore les plonger dans des situations véritablement cauchemardesques (et quand on sait qu'une bonne moitié de ses personnages sont inspirés de lui-même, on a du travail pour des bataillons de psychanalystes).
Il y a un type de situation où King est très fort : c'est la description d'une petite ville renfermée sur elle-même, où la tension va monter lentement, progressivement, jusqu'à une explosion finale souvent très brutale. Il y avait Salem, Bazaar (qui est un de mes préférés), Dome est sûrement du même tonneau (même si je ne l'ai pas encore lu).
Ce Magie et Cristal se veut de la même catégorie. Premier roman vraiment long (860 pages) du cycle de La Tour Sombre (qui se veut le pivot central autour duquel s'organise toute l'oeuvre du romancier), il est principalement constitué d'un très long récit d'enviroon 600 pages, un souvenir de Roland, le personnage principal du cycle. Il raconte comment, envoyé par son père dans un petit village perdu au loin, alors qu'il avait 14 ans à peine, dans le but d'échapper aux combats qui se préparaient dans sa terre natale, le jeune pistolero Roland, fils de Steven, Deschain de Gilead y tombe fatalement amoureux.
King va alors s'amuser à décrire la petite ville et nous y montrer que la situation là-bas est loin d'être paisible. Traîtrises, complots, sorcellerie, objets maléfiques, manipulations, tueurs à gages, tout s'emmêle dans un énorme jeu de Castels (équivalent local des échecs, je suppute).
Tous les éléments sont réunis. Sauf que ça foire.
D'abord c'est terriblement long, et surtout lent. Il ne s'y passe rien pendant énormément de pages. Pour ce roman, King est devenu maître du remplissage de papier (produit si rare dans le monde de Roland). De nombreux chapitres sont littéralement inutiles, puisqu'ils ne servent ni à faire avancer l'intrigue, ni à nous apprendre quelque chose sur les personnages ou autre. Ils sont là dans un but inexplicable.
Et puis, surtout, c'est terriblement prévisible. En quelques pages, on arrive à deviner tout ce qui va arriver par la suite. Un roman comme Bazaar contenait de nombreuses énigmes qui rendaient le suspense quasiment intolérable. Ici, que dalle ! Résultat : on sait comment ça va finir dès le début. Ces 600 pages centrales deviennent vite interminables, malgré le talent de conteur du grand King.
Alors, l'honnêteté m'oblige à dire que je réviserai peut-être mon avis lorsque j'aurai fini le cycle. A ce moment-là, j'aurai forcément plus de recul et cette histoire prendra éventuellement une autre importance dans l'ensemble...
Le roman n'est véritablement intéressant que sur les marges : le début et la fin, c'est-à-dire avant que Roland raconte son souvenir, et après qu'il l'a raconté. Là, on retrouve tout ce qui fait le charme de ce cycle impressionnant, à commencer par le monde dans lequel il se déroule.
De plus, King s'amuse à mélanger, outre des références à ses autres romans (bonjour Randall Flagg !), des allusions à d'autres oeuvres, classiques de la littérature fantastique. Le cristal magique et l'Oeil font furieusement penser au Seigneur des Anneaux, et les reprises du magicien D'Oz dans la dernière partie du livre instaurent encore une fois une ambiance étrange, déroutante, inattendue. Bref, tout ce que j'aime et ce que j'espère dans cette série.