Si je peux vaguement comprendre le concept de patriotisme, j'ai par contre toujours considéré celui de nationalisme comme particulièrement idiot. Le chauvinisme m'échappe. Pour tout vous dire, même l'invention du minitel n'est pas parvenue à exalter mon sentiment d'appartenance à mon pays. Mais voilà, lorsque Serge Lehmann affirme que c'est à nos concitoyens que peuvent être attribuées les origines de la science-fiction, là, je me lève comme un seul homme et pousse un retentissant cocorico !
C'est dans un manifeste qu'il publie en 1909 que Maurice Renard, le père du Professeur Krantz et précurseur du registre, s'approprie le terme de "merveilleux-scientifique" et en pose les jalons. Notez le tiret, il a son importance. José Moselli, Théo Varlet, Jacques Spitz ou encore Camille Flammarion, les auteurs qui s'y frottent produisent une littérature populaire à la croisée des chemins entre imagination scientifique et rationalisation du surnaturel. Ce genre connait alors de très belles heures. Il faut toutefois être honnête : c'est outre-Atlantique qu'il s'est largement popularisé au fil du vingtième siècle. Dorénavant, sous l'étiquette "science-fiction", il s'est diversifié en une multitude de sous-catégories, de la dystopie au space-opera en passant par le cyberpunk ou le post-apocalyptique. Depuis, les lecteurs les plus ouverts ou les plus avertis tendent même à considérer cette littérature de genre comme de la littérature tout court.
Dans sa riche préface, longue d'une centaine de pages et qui détaille ce que je viens ici de résumer en quelques lignes, Serge Lehman revient sur cet âge d'or et sur ses origines. L'idée est moins de chercher à remonter jusqu'au père du néologisme pour lui en attribuer le mérite que de tracer les contours du concept. Il en dresse donc une définition et se penche sur les auteurs qui s'en revendiquent. De fait, si elle rend hommage à tous ces romanciers et novellistes, parfois familiers des amateurs mais inconnus du grand public, cette préface est un précieux carnet d'inspiration et une mine de patronymes à retenir, parmi lesquels, notamment, ceux dont Serge Lehman a sélectionné les écrits.
En effet, n'oublions pas que derrière la préface se bousculent six nouvelles, chacune précédée d'une superbe illustration de Greg Vezon. Six nouvelles - trois signées d'auteurs plus que confidentiels (Pierre Mille, Renée Dunan, Claude Farrère) et trois autres d'incontournables du genre (J.-H. Rosny aîné, Jean Ray, Jacques Spitz) - dont je ne suis pas sûr qu'il soit utile d'entreprendre les résumés (vous pouvez de toute manière les retrouver sur votre minitel via un 3615 quelconque). Et pour cause, même si les nouvelles ont toutes un intérêt sont sans doute révélatrices d'un genre et d'une époque, il y a fort à parier qu'une fois le recueil refermé, il n'en restera que la préface, qui, au-delà d'introduire ce qui lui fait suite, l'occulte.
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