Le seul Austen que j'ai jamais détesté
Puisque j'en parlais, l'autre jour, j'ai eu envie de faire un article. Pas que j'aime particulièrement taper sur les livres que j'ai pas aimé (bon, d'accord, je garde un particulièrement bon souvenir de cette soirée du nouvel an que mes amis et moi avons passés à rigoler de Twilight ((c'était avant que Twilight ne devienne un phénomène mondial)), mais parce qu'il s'agit d'une auteure que j'aime particulièrement et dont je ne comprends pas comment elle a pu se fourvoyer ainsi. Parce que c'est bien mon propos, je pense que Jane Austen s'est fourvoyée en écrivant Mansfield Park. Quel qu'ai été son but, je ne crois pas qu'il ait été atteint.
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Sa mère ayant préféré un mariage d'amour à un mariage de raison, Fanny Price a grandi dans la misère, jusqu'au jours où ses riches et nobles tantes maternelles décident de s'accorder une bonne action et de prendre la petite fille sous leur aile pour lui donner l'éducation que sa misérable famille ne peut lui accorder. Rapidement, l'enfant trop timide et de santé fragile déçoit les fantasmes de charité de sa riche famille qui fini par la considérer comme un poid plus qu'autre chose.
Rapidement, Fanny s'éprends de son cousin, seul membre de la famille à la traiter sans méchanceté, mais celui-ci n'a d'yeux que pour la belle voisine du domaine, mademoiselle Crawford, belle, chaleureuse, empathique, généreuse, mais dotée d'un léger petit défaut impardonnable : une vision un peu trop moderne de ce qui est bien et mal.
Ces événements familiaux viendront prouver au dit cousin l'importance de plutôt choisir pour épouse la timide et fade femme soumise qui lui sert de cousine plutôt que la merveilleuse mais trop incontrolable personne qu'il avait déjà choisie, et Fanny, sans avoir eu à faire quoi que ce soit, même pas prouver par son attitude qu'elle vaut mieux que sa rivale, finira par épouser l'élu de son coeur. Entre temps, un bref séjour dans sa vraie famille lui rappellera combien être pauvre c'est trop pas cool, et la demande en mariage d'un autre riche jeune homme l'aura fait envisager le mariage de raison. Ce ne sera pas sa morale et son amour qui lui feront renoncer à cette option, mais des événements extérieurs indépendants de sa volonté.
J'ai attendu pendant tout le roman le moment où Fanny prouverait, d'une part, que le jugement de sa riche famille sur elle est éronné, d'autre part qu'elle vaut mieux que sa rivale, mais ça n'arrive jamais. Elle reste fidèle aux valeurs traditionnelles non pas par choix mais parce qu'elle est trop timide et qu'elle n'a aucune opinion personnelle. Amoureuse, elle n'est fidèle que parce que les événement l'y oblige, et si les choses avaient été totalement sous son contrôle, elle aurait renoncé à son amour pour son cousin pour épouser le riche garçon dont elle avait pourtant conscience de la mauvaise conduite. Sa rivale prouve de toute les manières possible qu'elle est la plus valabe des deux, allant jusqu'à faire preuve de générosité envers la pauvre fanny qu'elle trouve injustement traitée par sa famille. Pour que la morale soit sauve, cette personne merveilleuse change abruptement de personnalité dans le dernier chapitre pour devenir une femme de mauvaise vie, sans transition ni explication. A la fin du livre, la seule conclusion à tirer c'est que pour être heureux, il faut être riche et ne pas avoir de personnalité.
On m'a expliqué que ce roman avait été écrit dans un contexte où la riche bourgeoisie prenait de plus en plus de l'ampleur et où la noblesse peinait à conserver son importance, et que le but était de montrer l'importance des valeurs tradittionnelles de la noblesse. Je me demande si Jane Austen était convaincue par son propos en rédigeant cette histoire, parce que je ne le suis pas. J'assiste simplement à la victoire de la personnalité minable sur la personnalité formidable, ce qui va à l'encontre de tout ce que j'ai pu rencontrer dans Raison et sentiment, Orgueil et Préjugé, Persuasion, Emma...
Le pire est que le style reste celui de Jane Austen, les personnages secondaire sont haut en couleur, et on ne décroche pas de la lecture jusqu'à la fin du livre. Pas un seul instant durant ma lecture, je n'ai perdu confiance en mon auteur fétiche et jusqu'au bout, je croyais que l'héroine nous prouverait sa valeur et son droit au bonheur. Ce n'est qu'une fois le livre refermé que j'ai pensé : "C'est tout ? La preuve ne viendra pas ?". D'où ma colère. Un livre foncièrement mauvais, on peut en rire. Un bon livre qui réussit tout sauf sa raison d'être, on ne peut qu'en souffrir.
Voilà donc pourquoi je déteste Mansfield Park, moi qui ait aimé tant d'autres livres de Jane Austen. Je tenais à me justifier pour cela.