Bon, je précise d'emblée que je me suis arrêté à la page 317 (sur 540) de ce livre assez intense qui craque presque sous le poids d'une inventivité joyeusement débridée, et d'une emphase asez ampoulée. Mantra est un livre de commission , on a demandé en effet à Rodrigo Fresan d'écrire un livre sur le Mexique. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il n'y est pas allé avec le dos de la cuillère...
Mantra nous présente le Mexique de façon plaisamment épuisante, dans un raz de marée de références, de géographies, de littératures et d'histoire. Le Mexique de Mantra est un pays improbable, irréel et peuplé de créatures dont les plus incroyables sont souvent absolument authentiques. C'est assez jouissif, et ce dès la première ligne. Pourtant Fresan n'a pas réussi, à mon sens, à trouver d'ossature pour son roman, qui devient souvent comme un catalogue Ikea sur un pays aussi fantasmé que documenté. Que l'auteur ait recours à un abécédaire pour construire ses chapitres sent un peu la solution de facilité.
Sa méthode est d'ailleurs explicite, il le dit lui-même, et empruntée au cinéma: le cut-out, une succession de plans, qui explique le côté haché de l'histoire, vaguement fixée sur un cousin pénible et (et cinéphile) du narrateur. Ces plans sont surréels et on sent une tentative esthétique dans cette avalanche de scénettes fixes ( Le mort-vivant narrateur regarde une télé depuis son demi-monde, et donc on zappe avec lui). Lynch aurait été une meilleure inspiration, car hélas trop de remarques connues sont faites sur Apocalypse Now ou 2001, ou Kubrick. Fresan aurait bien aimé faire un livre de cinéma à la Michel Ciment, ou être critique sur SC, il se retrouve à faire un guide touristique.
La narration est souvent très inventive, et le style de Fresan est assez génial (en traduction ici), et surtout c'est bourré d'idées amusantes et de jeux de mots assez sympas. Ce côté-là m'a bien plu. Hélas, à la énième pirouette, lorsqu'il s'élève pour nous parler de "là où vont les avions quand ils ne volent pas", on a envie de lui dire, un peu lassé de ses voltiges, " aéroport, Rodrigo, c'est aéroport, le mot que tu cherches"....
Une lecture assez intéressante, décoiffante souvent (un bon jeu sur la mémoire), agaçante encore plus souvent (cette cinéphilie envahissante ) et un roman qui peine à faire vivre une histoire dont j'ai perdu le fil en route...
Bon, moi j'ai arrêté en cours pour cause d'emploi du temps et j'avoue que je n'arrive pas à le reprendre, mais plein de gens aiment bien, alors essayez et décidez, guys et guysettes :-)