Si vous portez encore en vous un morceau d’idéal, une envie de changer le monde, alors ne passez pas à côté de ce petit roman au grand cœur de Stefano Benni, paru en 2005.

Margherita, la narratrice, n’a pas encore quinze ans, mais elle en sait déjà beaucoup plus que de nombreux adultes. Elle adore les livres, voudrait être poétesse et écrit sans cesse des débuts de romans. Margherita est la deuxième enfant d’une famille authentique, concentré de sympathiques fêlures, dont elle dresse un portrait plein de verve et très drôle au début du roman. Voici par exemple ce qu’elle dit de sa mère :

«Ma mère […] s’appelle Emma et n’est plus très belle, elle est un peu fanée ; plus exactement, elle ressemble à un sachet de thé utilisé. Mais elle a de belles jambes et sent toujours bon le café et le cube de bouillon. Elle était vendeuse dans un magasin qui a été dévoré par un supermarché, et maintenant elle travaille pour nous. C’est une bonne ménagère et une excellente cuisinière, ses spécialités sont les frites Cantatrices, l’omelette Guillerette et, surtout, le fourre-tout Yesterday. À l’intérieur, elle recycle tous les restes : l’escalope de la veille et le jambon du goûter pour l’école, les pattes de poulet et les croûtes de fromage. Grand-père dit que, quand il mourra, maman l’inhumera dans un fourre-tout, dentier compris.»

La dolce vita de cette petite famille est perturbée par la construction d’une maison-cube de verre noir, sur le terrain mitoyen, et par l’arrivée de voisins beaux et riches. La fine Margherita va se méfier d’emblée de ces individus, de leur beauté construite à coups de mode et de chirurgie esthétique, de leur appât du gain, de l’agressivité de leur chien de combat, de leurs comportements suspects.

Les parents séduits par ces voisins maléfiques deviennent comme des robots, et Margherita, seule sur un îlot de sagesse avec son petit frère et son chien, cherche à contrecarrer la dégradation de ses proches et de son environnement. Sous la forme d’une fable fantastico-policière, «Margherita Dolcevita» est en réalité une violente satire, dénonçant les excès de la modernité et du capitalisme, exprimée avec force par les mots poétiques d’une enfant attachante et surdouée.
MarianneL
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 26 août 2013

Critique lue 208 fois

7 j'aime

2 commentaires

MarianneL

Écrit par

Critique lue 208 fois

7
2

Du même critique

La Culture du narcissisme
MarianneL
8

Critique de La Culture du narcissisme par MarianneL

Publié initialement en 1979, cet essai passionnant de Christopher Lasch n’est pas du tout une analyse de plus de l’égocentrisme ou de l’égoïsme, mais une étude de la façon dont l’évolution de la...

le 29 déc. 2013

36 j'aime

4

La Fin de l'homme rouge
MarianneL
9

Illusions et désenchantement : L'exil intérieur des Russes après la chute de l'Union Soviétique.

«Quand Gorbatchev est arrivé au pouvoir, nous étions tous fous de joie. On vivait dans des rêves, des illusions. On vidait nos cœurs dans nos cuisines. On voulait une nouvelle Russie… Au bout de...

le 7 déc. 2013

35 j'aime

Culture de masse ou culture populaire ?
MarianneL
8

Un essai court et nécessaire d’un observateur particulièrement lucide des évolutions du capitalisme

«Aujourd’hui il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d’une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous...

le 24 mai 2013

32 j'aime

4