Un ouvrage qui porte bien son titre… un peu malheureusement en ce qui me concerne. Car en effet, tout l'intérêt de cette histoire résidait bien plus dans les usages politiques de cette « affaire » que dans les émois sentimentaux, plus ou moins fantasmés d'ailleurs par Irène Frein, quoi qu'elle se soit renseignée. Non pas que Marie Curie n'ait pas droit, malgré ou du fait de sa place dans notre culture voire dans notre civilisation, à ses « petites histoires », grandes pour elle je n'en disconviens pas. Mais si ce n'était Marie Curie, cette histoire d'amours (avec un « s », donc) serait-elle d'un intérêt particulier ? C'est bien l'instrumentalisation médiatique et politique de ses histoires qui méritait, je trouve, qu'on s'y attardât davantage, voire qu'on s'y tienne. Bien plus en tout cas que la couleur de sa robe et les stratagèmes d'amants (é)perdus.
Or si Irène Frein aborde ces enjeux, allant jusqu'à faire de nombreuses allusions à une nouvelle affaire Dreyfus (là, tout de même, on a un peu envie de rire), j'aurais aimé qu'ils soient plus centraux et non traités à égale importance (et c'est encore beaucoup dire) avec la passion amoureuse de ces deux têtes-bien pleines et bien faites. J'ai même la faiblesse de croire, à tout le moins l'ai-je ressenti, que si nous n'avions pas affaire à ces célébrités cérébrales, admirables il est vrai dans leurs domaines d'excellence, on ne verrait peut-être pas là des aventures chevaleresques (ce qu'Irène Frein tend « un brin » à essayer de faire croire).
Irène Frein, c'est à tout le moins mon impression, complètement séduite par son héroïne, tombe dans une forme de manichéisme et de deux poids deux mesures selon que l'on fait partie du club restreint des génies ou pas. Certes, on n'a pas besoin de beaucoup d'imagination pour imaginer la bassesse de certains, la vilénie d'autres, la jalousie et le goût du scandale qui imprègnent toute cette « histoire ». Et chacun sait, nul besoin de prendre sa défense aujourd'hui, la femme de génie et de combat que fut Marie Curie. Mais faire de la grande figure des sciences qu'elle fut une icône de noblesse et un modèle de sainteté morale, de même que ne vouloir considérer son amant Paul Langevin qu'en noble coeur et bel esprit, me donne le sentiment d'avoir affaire, malgré les affirmations contraires de l'auteure, à une double hagiographie. C'est d'autant plus frustrant que le style est plaisant, le sujet riche et les causes (féminisme, ouverture d'esprit, tolérance…) sont belles et importantes.