Un couple allemand est en vacances sur la côte italienne accompagnée de leurs deux enfants. Boudant la station balnéaire réputée de Porte-Clemente, ils se fixent dans la petite ville de Torre di Venere, quelques kilomètres plus loin. A peine commencent-ils à profiter de leurs vacances que les ennuis commencent, une princesse se plaint d'entendre leur petit garçon tousser, suite à une fin de coqueluche, et craint d'être infectée par le son même de la toux. Ils doivent faire leurs bagages et s'installent dans la pension de Mme Angiolieri, une dame très aimable, vivant dans son passé alors qu'elle était dame de compagnie de l'actrice connue sous le nom de" la Duse". A peine remis de leurs émotions, voilà qu'ils doivent à nouveau affronter la colère autochtone. A la plage, ils veulent rincer le maillot de leur fille de huit ans, et la dénudent le temps de laver le tissu dans les vagues. Quel scandale pour la pudibonderie locale, on les amène au commissariat et ils doivent même payer une amende. Le couple songe à rentrer, mais n'en fait rien, car les enfants se sont liés d'amitié avec grand nombre d'italiens, notamment un barman mélancolique du nom de Mario. Peu après, des affiches fleurissent sur les murs, fêtant l'arrivée d'un grand magicien dans la ville, les enfants prient leurs parents de les y emmener, n'ayant jamais assisté à un tel spectacle. Ils cèdent et prennent des places. Le soir de la représentation, la salle est bondée, toute la population de Venere est présente. L'artiste tarde à apparaître, et quand il arrive enfin, il laisse une drôle d'impression aux spectateurs, habillé à l'ancienne mode, bossu le teint jaune et les dents pourries, il se contente de fumer et de boire du cognac en étant silencieux. Un jeune homme le hèle d'un "Buona sera", que le magicien prend comme une insulte, il va faire montre de ses talents et humilier l'imprudent. Ses talents ne sont pas du domaine de la prestidigitation, Cipolla est un hypnotiseur. Il humilie l'homme en lui faisant tirer la langue de toute sa longueur et plus tard en le pliant en deux sous des coliques suggérées. Il fait montre de ses talents sur la Signora Angiolieri, et fait même danser la moitié du public malgré lui. Il est également capable de retrouver des objets cachés par les spectateurs en inversant le processus de volonté. Il finit par aller trop loin en convoquant sur scène l'ami des enfants, Mario. Il fait avouer à ce dernier les raisons de sa tristesse, un amour contrarié pour une belle demoiselle, et le convainc, qu'il est lui même la dame de ses pensées. Le barman troublé en arrive à l'embrasser, en pleurs. Quand il reprend ses esprits, floué et en rage. Il sort un petit pistolet et tue l'affreux mage libérant ainsi Venere de son emprise.
Cette nouvelle est, bien qu'il l'ait longtemps nié, une satire du fascisme dans la manipulation des hommes. Mann y fait une intelligente analyse du principe de volonté (ou volition) : le fait de ne pas vouloir est vide, et l'homme qui veut ne rien vouloir est le plus manipulable. La liberté n'existe pas, on ne peut pas se rebeller contre des hommes tels que Cipolla. Il se pose contre la liberté d'indifférence cartésienne, le dernier degré de liberté (quand on a deux choix et que l'on en choisit aucun, c'est encore un choix et donc l'application de notre liberté). La seconde nouvelle, où Mann raconte son expérience lors d'une séance de "spiritisme" développe elle aussi un concept intéressant, selon lui, le médium ne convoquerait pas des esprits pour exécuter les apparitions et mouvements d'objets. Ce serait une force sortie de lui même qu'il canaliserait pour ces fins. En fait, Thomas Mann est un théoricien bien plus qu'un auteur, et malheureusement je ne partage pas la plus grande partie de ses avis. Ses nouvelles sont une longue introduction aux trois quarts pour arriver à une fin, certes intéressante, mais qui perd en saveur en comparaison de l'indigestion de mots à laquelle on a été confrontée. De plus, l'auteur est tout à fait prétentieux, se comparant sans cesse à Goethe et se voulant un exemple pour la société, c'est très irritant. Par certains côtés ses histoires ressembleraient à du Poe, par le côté inattendu et fantastique, sauf que ce dernier gère beaucoup mieux ses effets, n'endormant pas son lecteur dans des démonstrations sans fin. Comme il fait lui même sa critique, où il ne tarit pas d'éloges dans le dernier récit Seize ans, ce n'est pas la peine que j'en rajoute. Je pense qu'il vaut mieux lire son fameux Mort à Venise.