Martin Eden est-il un chef-d'œuvre ? Je ne sais pas, et j'ai en plus un peu de mal avec ce terme, mais en tout cas c'est indéniablement un grand roman. Un très grand roman même ! Qu'est-ce qui me fait dire ça ? Tout d'abord cette sensation récupérée dès les premières pages ; j’allais être emmené dans la vie d’un personnage, mais plus que dans sa vie, dans sa tête, dans son corps.
J’en profite pour parler dès à présent de la traduction Française. J’avais tenté de livre Martin Eden aux éditions Libretto il y a 6 mois, mais au bout de la 2nde page c’en était déjà trop, complètement rebuté par la traduction lourde et désuète proposée. Déçu, je regarde si la version originale est abordable pour moi. Ouch non, l’Anglais est trop riche, trop soutenu. Et là que vois-je ? Un de mes auteurs favoris, Jean-Philippe Jaworski (oui oui le jeune papa de la fantasy Française) s’est occupé de superviser et traduire les 2 volumes de la Pléiade consacrés à Jack London (avec Crocs Blanc). Je feuillette les premières pages sur le web et là ouf, c’est fluide, c’est lisible. Et puis je réalise qu’en fait de Jaworski, ce n’était pas Jean-Philippe, mais tout simplement Philippe ! Un professeur émérite de littérature américaine ! Ok petite déception, mais l’essentiel n’était pas là !
Donc ce grand livre, pourquoi ? Cette façon d’inscrire et de matérialiser un personnage dans une époque, dans une société. De le rendre si réel alors que si complexe. Bien sûr le fait que London ait inséré des éléments de sa propre vie y fait un peu, mais cela va plus loin. Dans les efforts que fait Martin Eden fait pour sortir de sa condition de marin/ouvrier, pour s’élever dans un monde qu’il juge parfait. Lui le marin à l’élocution des rues mais à la sensibilité et à la soif d’apprendre d’un niveau extraordinaire.
J’avais lu que c’était un roman autobiographique ou semi autobiographique. La préface faite par Jaworski montre de façon intéressante que ça n’est finalement pas tout à fait le cas. Jack London le socialiste étant complètement différent de Martin Eden l’individualiste. Un individualisme qui se montre et s’accentue au fil du livre, et qui avec un peu de recul se voit aussi autrement : dans la façon dont sont construits les personnages du livre. Martin Eden est façonné de façon incroyablement riche, alors que les personnages l’entourant manquent considérablement d’étoffe, de matière. J’ai l’impression que ça a été fait pour accentuer le côté individualiste du protagoniste, lui seul comptant à ses yeux et aux yeux du lecteur.
Un grand livre ne veut pas forcément dire un grand plaisir de lecture, certains passages sont ardus, Martin Eden est parfois désespérant, mais quand bien même, quand on se tient à côté d’un monument, on ne peut que s’incliner pour mieux en profiter.