Les mémoires de Joseph Fouché, ministre de la police sous le Directoire, l'Empire, puis la Restauration, sont en deux parties d'intérêt inégal. J'ai malheureusement lu la première partie il y a deux ans, puis je n'ai que récemment trouvé le courage de lire la deuxième, qui me semblait bien moins intéressante. Mes souvenirs seront donc assez succincts.
A propos de l'édition d'Arlea : ce n'est pas une édition scientifique. Vous trouverez donc une préface intéressante d'Edwy Plenel, qui constitue une assez bonne mise en perspective, mais pas d'index (ce qui serait fort utile) ni, surtout, de notes de bas de page. Heureusement, venant de lire le premier tome des mémoires de la comtesse de Boigne, qui donne l'éclairage vu depuis les nobles émigrés, j'ai un peu mieux suivi la deuxième partie.
La première partie commence par une charge contre la société d'Ancien Régime, avec cet argument : quelques abominations qu'ait enfanté la Révolution, elle a mis à bas un monde pourri que nul ne regrette. Fouché revient sur son rôle dans la Terreur, et développe souvent l'argument selon lequel sans lui, tout aurait été bien pire. Il développe beaucoup la période du consulat, et ce qu'il savait de la vie des salons grâce à des informateurs parmi lesquels il compta... Joséphine. Puis sur sa rapide disgrâce, car il s'était compromis avec les mauvaises personnes (à l'en croire). On trouve de discrètes piques contre Talleyrand, et beaucoup de mépris pour les royalistes, qu'ils soient en exil ou grâciés.C'est probablement lors de cette disgrâce que Fouché trouva le temps de rédiger cette première partie, fascinante sur le passage de la Révolution à l'Empire.
La deuxième partie court jusqu'aux Cent Jours et à leur dénouement. Elle m'a passablement ennuyé, et l'on se pose à bon droit des questions sur son authenticité, même si Fouché rapporte parfois des mots (notamment une pique contre Carnot) que lui seul a pu connaître... A moins qu'il ne s'agisse d'invention. Toujours est-il qu'on a ici un récit des difficultés croissantes de Bonaparte, avec un Fouché qui, écrivant rétrospectivement, se donne pour plus lucide et pour plus influent qu'il ne dut l'être - sur l'air du "je lui avais pourtant dit cent fois". Et certains passages, comme son évasion rocambolesque alors qu'on est venu l'arrêter lors des Cent Jours, semblent un peu trop beaux pour être vrais. Là où la première partie ambitionnait de porter un discours sur l'Histoire, la seconde se perd quelque peu dans le narcissisme : moi, Fouché, en dialogue avec la grande Histoire.