Mémoire d'un yakuza de Junichi Saga est une retranscription de la confession à son médecin d'un mafieux japonais du XX ème siècle sur son lit de mort. Une histoire de gangsters qui vient dissiper le mystère et les fantasmes occidentaux sur cette part du Japon. L'auteur relate donc le récit de la vie d'Ijichi Eiji, fils d'un entrepreneur nippon tombé dans le milieu yakuza dès l'adolescence. Il y apprendra le respect, la droiture, la loyauté et le sens de la famille, de sa nouvelle famille, le gang tokyoïte Dewaya.
On y découvre des yakuzas véritables piliers de la société de l'époque. Opérant selon un code d'honneur, ne recourant que très peu à la violence et ayant un véritable rôle social auprès d'une communauté citoyenne harcelé par le pouvoir impérial et ses sbires aux méthodes brutales. La frontière entre le monde criminel et les représentants d’un État autoritaire abusant généreusement de leur pouvoir est parfois bien mince. Au point qu’on ne sait plus vraiment qui sont les vrais hors la loi.
Plus qu'un parcours de vie de gangster, c'est le récit de ce Japon de la première moitié du XX ème siècle qui nous est narrée. Un monde rude, froid et tiraillé entre la modernité et les traditions ancestrales, où la loyauté au gang est érigée en valeur sacrée. Eiji aura traversé le grand incendie de Tokyo de 1923 qui ravagea la région tout entière, l’occupation de la Corée puis de la Chine voisine et surtout la vie quotidienne des Japonais pendant la guerre du Pacifique ainsi que le contact avec les vétérans marqués à jamais par l’horreur de la guerre.
Ce qui restera du récit pour moi, c’est avant tout la capacité d'Eiji à assumer ses actes et ses erreurs, à endurer les pires sévices d'un système répressif et sadique, parfois en dépit du bon sens. Mais aussi sa faiblesse face aux femmes. Ces femmes, qui furent à la fois un de ses grands plaisirs, mais aussi la principale cause de ses souffrances. L’envoyant dans l’enfer des geôles glacées aux barreaux de bois ou l’obligeant à se mutiler pour se racheter d’une mésalliance. On se prend d'affection pour cet homme d’affaires et bandit au grand cœur à qui on pardonnerait presque tout après 100 pages à peine. Après tout, un yakuza, ce n’est rien de plus qu’un tenancier de maison de jeu ?
Un bon livre, divertissant, qui confirme qu’on peut très bien voyager à l’autre bout du monde, dans une tout autre époque en restant coincé dans sur la ligne 8 du métro parisien. L’œuvre se lit sans difficulté aucune et ne donne que plus envie de se plonger dans la culture du pays du soleil levant. Gardons toutefois un peu de distance sur l’objectivité de l’auteur présentant un portrait peut être un peu trop lisse et flatteur de ces organisations criminelles.
Affaire à suivre lors de mes prochaines lectures et visionnages sur le sujet.
ありがとう !