Marilyn Manson fait partie de mes artistes musicaux favoris, et ça fait des années que je pense à lire son autobiographie. Entretemps, je suis devenu fan de Neil Strauss, suite à la lecture de The game et The truth en particulier. L’auteur a aussi aidé à la rédaction du bouquin de Mötley Crüe ; il ne manque plus qu’Alice Cooper et il aura traité de tout mon top 3.
The truth étant à ce jour le dernier livre de Strauss, j’étais quand même un peu déçu de ne pas pouvoir continuer à suivre les récits de sa vie perso… je me suis réconforté en me disant que la vie de Manson, aka Brian Warner, risquait d’être au moins aussi dingue.
Et dès les premières pages, on comprend déjà que le chanteur soit aussi dérangé.


Le bouquin dépeint des personnages hauts en couleur et déjantés ainsi que des environnements incongrus, décrits de sorte à prendre un aspect cartoonesque mais répulsif, de quoi faire penser à un conte pour enfants qui aurait mal tourné (la mère de l’artiste s’appelait Barb Wyer, on croirait une blague).
Rien que les histoires d’enfance du jeune Brian sont complètement tordues et dignes d’un film de John Waters. Il est déjà question de zoophilie, de rites sataniques, d’animaux torturés, et d’une famille très dysfonctionnelle dont on essaye de camoufler la débauche.
Ironiquement, même l’éducation catholique, censé maintenir dans le droit chemin, a causé des dommages psychologiques, à cause de sa rigueur extrême et absurde.
Les expériences vécues par Manson au cours de sa vie l’ont progressivement fait se désolidariser de l’humanité.
En fait, je me suis rendu compte qu’il y a tout, dans cette biographie, de la backstory d’un serial killer… et même, certains tueurs ont dû avoir une vie plus saine. D’ailleurs, Manson affirme avoir déjà sérieusement envisagé un meurtre.
Je me suis souvenu qu’une des raisons qui m’a fait m’attacher à cet artiste à partir de l’adolescence, c’est que sa musique m’a accompagné durant mes périodes de déprime. Je n’ai pas été surpris de me reconnaître dans les raisons de son apathie grandissante.


Lorsque le musicien goûte enfin un peu à la célébrité, je pensais que le livre allait virer vers des histoires moins inattendues de débauche, quoique c’est toujours un plaisir de lire à propos des excès des rockstars. Manson en profite pour prendre sa revanche sur son passé, notamment en baisant après un concert une fille qui l’avait ignoré jusqu’à ce jour.
Mais la vie perso du "God of fuck" est autrement plus barrée qu’une simple combinaison de sexe, drogues et rock’n’roll.
Il y a eu beaucoup de rumeurs à la con sur Manson, mais en fait les délires sur scènes sont pas loin d’être aussi tordus… mais sont complètement oblitérés par les déviances qui ont lieu en privé.
On tombe sur des anecdotes bien tarées et dépravées toutes les deux pages, et il y en a une telle accumulation qu’on se dit que ça ne peut avoir été inventé juste pour impressionner le ses fans.
La lecture de The long hard road out of hell est à la fois répugnante, drôle, et captivante. Il y a des moments où j’ai ouvertement ri, d’autres où j’ai réellement grimacé de dégoût en imaginant les situations décrites, et à plusieurs reprises c’était les deux à la fois.
Même quand il se divertit avec sa copine, Marilyn Manson fait des farces totalement tordues (par exemple, la photographier dans des mises en scènes sanglantes, et laisser les photos dans des lieux publics)
Au fur et à mesure, il y a des passages où l’artiste va beaucoup trop loin à mon goût, en venant à abuser d’autrui grâce au pouvoir de sa célébrité. Manson a l’air d’un être humain horrible, et il n’a pourtant aucun problème à confesser ses vices.
Paradoxalement, c’est cette totale et brutale honnêteté qui le rend attachant à mes yeux, car en cela il s’oppose à l’hypocrisie qu’il répugne tant chez le reste du monde, son entourage, parmi lesquels des chrétiens bien-pensants qui font semblant d’être bien sous tous rapports mais ne font que cacher leur monstruosité.
Ca me rappelle ce que le chanteur dit, à un autre moment, à propos de l’Eglise de Satan, écartant un peu la vision qu’on a généralement du satanisme, en expliquant que sa doctrine s’oppose à la Chrétienté qui cherche vainement à étouffer les instincts humains vis-à-vis du sexe et de la violence.


Ce que j’adore aussi, c’est que le musicien a l’air de vraiment n’en avoir rien à foutre de dépasser ses limites ou de ce que les autres pensent, tant qu’il peut semer le chaos et perturber les gens. Une anecdote parmi tant d’autres relate comme, durant un concert, un ami à lui a baissé son froc, et ayant une main de libre, Manson l’a masturbé sur scène. Comme si c’était la chose naturelle à faire. L’auteur note qu’il n’est pas gay, même s’il y a plusieurs occurrences où la queue d’un de ses comparses finit dans sa main ou sa bouche. Il fait ça par pure provocation et nihilisme.
Manson liste d’ailleurs ses règles de vie et points de vue, par rapport à l’homosexualité ou l’adultère notamment. Il y fait preuve d’un sens de l’humour bien tordu auquel j’adhère. Il y a pas mal de déconne (du style pince-sans-rire, je précise), mais il arrive qu’on tombe sur des passages où l’auteur partage son point de vue sur la société ou la religion, qui m’ont rappelé malgré toute son intelligence… et je regrette un peu qu’il n’y ait pas de plus de ça dans le livre. Ses opinions sont distillées au milieu du récit, mais il n’y a pas vraiment de moment dédié à dévoiler toute sa philosophie.


The long hard road out of hell est le premier bouquin de Neil Strauss, mais rétrospectivement, connaissant l’auteur, son association avec Marilyn Manson tient du génie. Cette autobiographie, c’est l’alliance de la créativité de l’un avec l’esprit déviant de l’autre, ce qui donne un livre à la forme baroque, aux illustrations étranges et presque cauchemardesques, des collages de photos, lithographies et de coupes anatomiques, qui font que l’ouvrage se situe quelque part entre le vieux grimoire et le manuel médical, tout en évoquant les jaquettes des albums du groupe.
En tout cas, ça donne vraiment l’impression de parcourir l’esprit embrumé du chanteur.
Strauss l’a prouvé dans ses autres livres, il a le goût des citations, ici déjà il y en a une qui ouvre chaque chapitre, qui peut aussi bien faire référence à la discographie du chanteur qu’à des œuvres pour enfants. Ce qui, là aussi, est très représentatif de Marilyn Manson.
Et bien sûr, le style littéraire est génial, les descriptions se font par le biais de métaphores parfois poétiques (page 72 : "I felt my heart freeze and shatter, each shard dropping painfully through my insides") ; le style est cru, mais pas dépourvu de lyrisme.
Impossible de savoir ce qui est attribuable à Strauss ou à Manson, mais on a quand même droit à une nouvelle que ce dernier a écrit quand il était ado, joliment rédigée, et qui est une merveille de dépravation. Il y a également des poèmes, qui m’ont fait penser qu’il était dommage que l’auteur n’en ait jamais publié de recueil.
Par contre, pour en rester sur la forme, il y a rarement des repères temporels, et on dirait que la structure narrative est favorisée au détriment de la chronologie : on nous met un article publié par Brian Warner lorsqu’il avait 21 ans (si on se réfère à la date), puis on nous raconte des évènements datant de ses 19 ans.


Mais ce que je regrette surtout, c’est que ce livre ait été écrit aussi tôt, à savoir après la sortie d’Antichrist superstar, qui n’est que le second album du groupe, si on ne compte pas les EP.
Il y a eu une évolution dans la musique de Manson par la suite, en lien avec les évènements dans sa vie privée, et également toute la controverse suite à l’incident de Columbine qui a bouleversé la carrière de l’artiste, et que j’aurais adoré voir traités.
J’espère qu’il y aura un autre livre faisant suite à celui-ci à l’avenir… car j’en veux encore.

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le 3 mars 2017

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