Mémoires de porc-épic par BibliOrnitho
Un porc-épic est en proie à la panique : son maître vient de mourir, et la tradition veut qu’il ne lui survive pas. Seulement voilà, notre porc-épic n’a pas du tout envie de le suivre dans la tombe. Il fuit donc. De toute la vitesse de ses courtes pattes. Il fuit et se réfugie entre les racines d’un vieux baobab auquel il entreprend de conter son histoire…
Nous sommes au Congo Brazzaville, patrie de l’auteur. L’animal est né 42 ans plus tôt : un âge canonique pour cette espèce qui ne souffle habituellement guère plus de vingt bougies. Cette longévité lui vient du fait que dans sa jeunesse, il a été magiquement relié à un humain, Kibandi, dont il est depuis le double nuisible. Humain et animal sont intiment liés comme le veut une croyance d’Afrique noire. Ils communiquent – en pensées et en paroles. Ils sont frères siamois, unis pour le meilleur parfois, mais surtout pour le pire. Car l’animal devient le bras armé de l’homme. L’exécuteur des basses besognes. Qu’un humain déplaise au maître et celui-ci lui envoie sa créature, son démon tout droit sorti des enfers.
Les meurtres se multiplient. Et les événements déclencheurs de plus en plus légers, de plus en plus discutables. Le porc-épic est de moins en moins en phase avec son double humain. Il ne prend plus goût à ces exécutions. « Mais il ne peut désobéir », se défend-t-il…
Aujourd’hui que tout est fini, que la créature est redevenue simple animal, le porc-épic se terre. Va-t-il périr ? Suivre son maître dans l’autre monde ? Il se confie pendant qu’il le peut. Il se confesse. Vite, vite, car il ne connait pas le temps qui lui reste. Cette précipitation se ressent dans l’écriture de Mabanckou : pas de point, uniquement des virgules. Une seule phrase de la première page à la dernière. Un dynamisme effréné, aucun temps mort. Un roman aux allures de conte, de légende africaine. De mythe débité dans un même souffle par l’animal aux abois et ingurgité tout aussi rapidement par le lecteur.
Entre poésie, humour, surnaturel et gravité, c’est l’Afrique proche de l’Equateur qui prend vie. Ces sociétés tribales. Ces villages traditionnels peuplés de cases et sur lesquels règnent chefs et sorciers tout puissants.
Un livre étonnant, original et fort agréable à lire malgré la noirceur de l’humain, à la fois haï et vénéré par ce porc-épic volubile. Mon premier Mabanckou, mais assurément pas le dernier !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.