En toute humilité
L'héroïsme ne se définit pas simplement par la grandeur d'un acte. Pour devenir un héros, il faut non seulement l'accomplir mais aussi d'une certaine manière se sacrifier, ou du moins se mettre...
le 9 févr. 2020
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Je me sens tellement en phase avec Edward Snowden. Il est né un an après moi, il a connu l'âge d'or de la NES et la SNES, il a eu une phase japanimation au début des années 2000, il est conscient de ce que des entreprises font de nos données personnelles, il a le sens du service de l'Etat... J'ai parfois l'impression d'être face à mon jumeau, mais un double qui aurait bifurqué vers la programmation.
Mémoires vives est à la fois une autobiographie et un tract. Il reprend les étapes de formation du jeune Snowden : son enfance dans une famille patriote de Caroline du Nord (il insiste sur sa filiation avec l'équipage du Mayflower, soit), au contact d'un père garde-côte. Son extase devant la NES, sa tentative maladroite de la réparer. Sa découverte de l'informatique, son amour pour l'internet 1.0 pseudonymé et libre des débuts, ses premières tentatives de hacking (qui pousse un représentant de l'administration à appeler chez lui), et le choc que fut le 11 septembre 2001. Le livre est de ce point de vue une belle illustration du basculement de l'Amérique sous l'ère-Bush, et Snowden fait un mea culpa en revenant sur le besoin intense de servir son pays qui l'habitait pendant ces années.
Suit la désillusion de voir que le public fricote de plus en plus avec des entreprises privées comme Dell, que les salaires ne l'encouragent pas à servir l'Etat. Puis, après la révélation qu'il a de mauvais genoux et ne pourra pas travailler directement pour les services secrets, son choix de travailler pour la NSA, notamment sur les services de sauvegarde et de sécurisation des données. C'est la spécificité de Snowden : il avait les droits administrateurs, et était une des rares personnes à voir ce qui se passait.
Il découvre que le balayage des données du public se fait sans aucun contrôle pour les besoins de recherches en vue d'une conférence au Japon. Outre ses états d'âme, c'est à ce moment que ses crises d'épilepsie empirent.
Le reste du livre fait le point sur les arguties juridiques qui ont permises aux services secrets de contourner tout contrôle, y compris sous l'ère Obama, puis les mesures qu'il prend. Fidèle à l'esprit originel du net, Snowden aurait aimé mettre toutes ses données en ligne, mais il avait peur que cela ne soit pas cru. Il s'est donc tourné vers la presse. Le récit de ses précautions, à tourner dans Hawaï à la recherche de wifis publics, est assez savoureux, ainsi que sa manière de dissimuler des cartes SD dans son Rubik'sCube, les dix jours à attendre dans un hôtel de Hong Kong, la fuite organisée avec la dur à cuire Sarah Harrison, et enfin l'asile politique, contraint, offert par la Russie après la révocation du passeport le temps d'une correspondance vers l"Equateur.
Snowden termine par des extraits, anonymisés, du journal de sa petite amie Lindsay. Une manière de s'excuser de ce par quoi il l'a fait passer. Il y a enfin un épilogue sur sa vie actuelle à Moscou. C'est touchant.
Mémoires vives est un ouvrage efficace et synthétique. Peut-être peut-on un peu reprocher à Snowden de se mettre en scène, mais je trouve l'ouvrage assez authentique et sobre. Il faut dire que je ne suis pas du tout objectif : c'est ma génération, mes références culturelles, et j'ai énormément d'admiration pour ce qu'a fait cet homme courageux.
Créée
le 17 avr. 2022
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