Mercure
6.7
Mercure

livre de Amélie Nothomb (1998)

« Mais est-il normal à mon âge de parler déjà du passé? »

Amélie Nothomb y raconte l'histoire de Françoise Chavaigne, d'Hazel appelée aussi « pupille » et Omer Loncours nommée aussi « le Capitaine » ou encore « le vieux ».
L'histoire se déroule près de Cherbourg, sur l'île Mortes-Frontières, en 1923. Sur cette île, un vieillard et une jeune fille vivent isolés dans une grande maison entourés de serviteurs et de gardes du corps, et où il n'y a étrangement aucune surface réfléchissante. Devenue orpheline, la jeune fille nommée Hazel a été rescapée par le Capitaine lors du bombardement de 1918. Celui-ci lui a alors fait la révélation que ce bombardement lui avait complétement défiguré le visage. Depuis cet événement survenu il y a cinq ans, elle se refuse de sortir tellement la souffrance l'accable. Puis un jour, une infirmière Françoise, débarque sur l'île pour venir soigner la jeune Hazel. Elle apprend vite qu'il existe des règles sur l'île du vieil homme : Hazel ne doit jamais voir son visage et les seules questions de l'infirmière seront d'ordre pratiques.
Tous les jours il y a de longues conversations entre l’infirmière et Hazel, pendant lesquelles la jeune fille parle de sa beauté abimée à cause de la guerre et de son rapport avec le vieil qui l’a sauvée. Françoise va alors découvrir les étranges mystères qui unissent ces deux personnages et le secret terrible qui perdure sur cette île, et elle apprendra que la relation charnelle et affective entre Hazel, 22 ans et Omer Loncours, 77 ans est très spéciale. Elle saura de plus pourquoi Hazel se résigne, nuit après nuit, aux caresses du vieillard.
Après quelques recherches, elle apprend également que ce n'est pas la première fois que le Capitaine agit de cette façon. Décidée à ce qu'il ne réussisse pas cette horrible machination une deuxième fois, Françoise veut révéler la vérité à Hazel, mais … l'histoire racontée par Amélie Nothomb repose sur un si singulier mystère qu'il ne faut surtout pas le dévoiler.


Dès les toutes premières pages, on se pose des questions : *Pourquoi Hazel reste avec le Capitaine s'il la répugne ? Pourquoi l'infirmière est-elle sans cesse fouillé ? Pourquoi ne doit-elle pas poser de questions, excepté celles d'ordres pratiques ? Et pourquoi ne doit-elle pas commenter l'aspect de la jeune fille ?*  Puis dans la deuxième partie du roman,  on finira par se demander ce que le vieux avait bien pu faire avant Hazel et *pourquoi reproduit-il ce schéma avec elle ?* Et c'est la réponse à cette question qui dévoilera l'étrange secret de cette île.
Au début du roman, le Capitaine annonce, lors de sa première rencontre avec l'infirmière qu'Hazel souffre de troubles psychosomatiques : elle vomit et tremble. Il invite donc l'infirmière à rejoindre la chambre de la malade. Cependant, cette invitation introduit l'interdit fondamental du récit : celui de poser des questions autres que celles nécessaires aux soins physiques.

C'est bien entendu cet interdit qui va poser un élément clé de l'histoire car c'est lui qui va conditionner toutes les visites de Françoise chez sa patiente. En effet, l'entrée dans la relation motivera Françoise à s'intéresser à Hazel, et à sa souffrance. Car Hazel parle beaucoup, elle exprime clairement sa douleur à sa confidente. Or, l'interdit persiste et l'infirmière doit faire avec, sous peine de mort.



«  Quand Françoise découvrit le visage de la jeune fille, elle ressentit un choc d’une violence extrême. Fidèle aux instructions qu’elle avait reçues, elle n ‘en laissa rien paraître … »



C’est l’extrait qui nous fait douter pour tout le reste de l’histoire ! Car à ce moment là du livre, nous n’en savons encore rien à propos de la vérité du visage d’Hazel.


Le personnage de Françoise se posent beaucoup de questions, qui sont les même que le lecteur ou bien encore Hazel, dévoré de curiosité. Les personnages sont en proie de doute, de questionnement tout le long du roman... Tout comme le lecteur.


L’intrigue est simple comme dans un roman policier et permet de développer des idées chères à Amélie Nothomb comme la peur de la différence, l’apparence physique avec la défiguration et le secret dans les rapports humains. Elle évoque aussi parallèlement la monstruosité, et le dégout, ici. 

Mais Amélie Nothomb introduit aussi la notion du regard, regard-miroir. Le point central du récit est là, dans la métaphore du regard comme miroir de soi-même. Privée de son image réelle, elle est entièrement dépendante du regard de l'autre, autre qui ment. Elle est prise dans le discours du Capitaine qui lui renvoie l'image qu'il désire lui renvoyer. Nous sommes alors dans la perversion. Il est alors évident que la rencontre avec Françoise amène un regard nouveau au sein duquel elle peut enfin exister à part entière.


Je vous encourage clairement à le lire. Ce livre, cette œuvre, doit être lu, et puis, c'est pas un pavé, il se lit rapidement !

Jromine
10
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le 12 mai 2014

Critique lue 2.7K fois

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